Le dernier double véto de la Russie et de la Chine sur la question syrienne doit bien renseigner que le monde a bien changé dans les rapports de force. Un triple véto doublé sur la Syrie ne se décide pas sur l’humeur, mais sur des analyses géostratégiques objectives. »
Il s’agit d’un affrontement entre deux conceptions du monde: l’une unipolaire et l’autre multipolaire. Les rapports de force entre les différentes puissances constituant les éléments clés, décisifs.
Dans la vision sino-russe les instabilités dans le monde arabe sont une menace directe pour leurs intérêts aussi bien matériels que dans leur espace politique intérieur, surtout pour la Russie. Les musulmans de Russie sont en effet menacés par l’Islam extrémiste salafo-wahabiste qu’encourage la puissance américaine – sous couvert de ‘démocratie’ dans cette vague des ‘Printemps arabes’- dans la mesure où cela sert ses objectifs hégémoniques dont l’affaiblissement de la Russie est l’une des priorités. Les exemples « yougoslaves », « irakiens » et « libyens » où les lois internationales ont été bafouées pour instaurer le chaos restent des cas graves des méfaits de l’unilatéralisme qu’il faut, coûte que coûte, briser. La Syrie, disent les analyses, « sera un symbole fort du retour de la puissance russe et de sa capacité à s’opposer à l’unilatéralisme occidental, via le levier de l’Otan ». En effet, la Syrie, qui est le lieu stratégique dans ce rapport de force, sera le théâtre qui tranchera vers l’une ou l’autre des deux conceptions. Et c’est précisément sur le dossier syrien que la Russie et la Chine enregistrent une influence internationale.
Après 17 mois d’offensive où tous les moyens économiques, politiques et de désinformation même les plus abjects ont été utilisés pour déstabiliser ce pays – considéré comme rempart à l’hégémonie américano-sioniste, obstacle majeur pour la domination du Moyen-Orient conformément à la stratégie baptisée ‘Nouveau Moyen-Orient’ – cette Syrie reste toujours debout par son armée, son peuple, son histoire et ses institutions. Elle se permet même – face à la menace d’agression en dehors du cadre de l’ONU et à la campagne médiatique sur l’utilisation des armes chimiques – par la voix du porte-parole M. Maqdisi de riposter d’une manière claire et sans ambiguïté que « les armes chimiques, stockées et sécurisées … ne seront utilisées qu’en cas d’agression étrangère » assurant que de telles armes ne « seront jamais, jamais, utilisées contre nos concitoyens ». Une façon de parler de sa force sans devoir s’en servir.
La « bataille de Damas » dite ‘décisive’, par leurs médias «mainstream», au moment où ils n’enregistrent que des échecs, sonne comme l’ultime action d’une bête blessée. Le monde connait, maintenant, le rôle destructeur de ces médias dans l’offensive contre la Syrie. Ces médias visuels dominants sont en particulier CNN, BBC, France 24, AlJazeera du Qatar et Alarabia la Saoudienne. Elles sont suivies par des dizaines d’autres comme relais de leur propagande auxquels j’ajoutent ‘Reuters’ et ‘l’AFP’. Leurs ‘correspondants’ se sont révélés, en fait pour la plupart, n’être que des espions ou des activistes. Ces monstrueux dispositifs d’endoctrinement et d’actions psychologiques ne se contentent pas seulement de mentir et de tromper sur la réalité ou travestir des faits, mais participent, à l’exemple d’Aljazeera, à semer la mort en annonçant souvent des évènements qui ne se réaliseront que quelques heures plus tard, révélant abriter ainsi des postes de commandement militaire sous-couvert d’activités médiatiques.
C’est le cas de l’annonce avec fracas d’une pseudo « bataille de Damas » présentée comme ‘décisive’ qui sonnerait le glas du « régime de Bachar » ; ce ‘nœud Gordien’, ce rempart aux objectifs et prétentions américano-sionistes qu’il fallait trancher ou détruire par tous les moyens!
À bien observer ses tenants et aboutissants, cette « bataille » s’apparente comme une opération visant, non pas à conquérir Damas, mais à « effacer » tous les éléments qu’ils ont engagé et qui ont échoué, surtout les éléments étrangers notamment des Libyens, des saoudiens, des afghans, des égyptiens, des jordaniens qui ne connaissent rien aux réalités locales ; des desperados. Les syriens ne constituant plus des éléments dominants et déterminants dans la mesure où la majorité s’est livrée avec armes et informations aux autorités dans le cadre des mesures de clémences décidées à leur encontre. Passant sous silence l’extermination de leurs troupes à Damas en moins d’une semaine, les revoilà reconduite sur Hallab la même opération avec la même propagande sur une « bataille d’Alep » ‘décisive’ aussi qui annoncerait les « derniers jours » du régime de Bachar.
Ces cellules clairsemées et déstructurées fuyant en débandade leurs positions – suite aux coups de boutoir que leurs infligent les unités spéciales bien renseignés par la population – se retrouvent sans commandement et objectifs que des actes sans impacts, souvent suicidaires et surtout totalement détachées de la réalité. Combien restent-ils ? Un millier ? Plus ? Quel que soit le nombre, même exagéré, ils ne comptent pas devant une armée syrienne nationale, structurée, ayant une doctrine, expérimentée et dotée d’armement moderne et dissuasif qui n’a pas encore utilisé, selon des observateurs, 5% de ses capacités. Une « bataille » que doivent mener des groupes terroristes composés de ‘mercenaires’ bon marché, de gueux, de criminels, de canailles, de frustrés, mais aussi de faux bigots – qui ne savent même pas pour qui ils ‘roulent’ – contre une telle armée, redoutée par Israël même, ne peut être qu’une « Psyop », une guerre psychologique consistant faire croire à l’adversaire à penser qu’il est en position de faiblesse ou qu’il a perdu la guerre même s’il est fort par les armes ; une sorte de ‘poker-menteur’. Dans notre cas, si ce stratagème ne réussit pas, il reste qu’ils se seront débarrassés des troupes encombrantes, à défaut d’être des « héros », et ce sans trop de conséquences politiques et/ou juridiques puisqu’on aura aidé des « révolutionnaires », composés d’autochtones corrompus et endoctrinés ou de mercenaires du même acabit, que l’on a ‘discrètement’ entrainé, armé, financé, encadré, pour se débarrasser ‘légitimement’ d’un « régime despotique » au nom de leur population. Selon un document du Département américain de la Défense les « guerre psychologiques » sont des « opérations prévues pour transmettre des informations sélectionnées et des indicateurs à des auditoires étrangers pour influencer leurs émotions, leurs motivations, le raisonnement objectif et, ultimement, le comportement des gouvernements étrangers, organisations, groupes et individus. Le but … est d’induire ou de renforcer les attitudes et les comportements favorables étrangers aux objectifs de l’initiateur. »
Il serait stupide de croire que les planificateurs de cette « bataille » de Damas avaient dans l’esprit de la gagner, comme il est aussi stupide de croire que les services de renseignements syriens, connus pour leur efficacité, n’étaient pas au fait de cette « opération » qui exige des déplacements de groupuscules éparpillés vers et autour de Damas en préparation à une « offensive ». L’assassinat des quatre hauts responsables militaires dont le propre beau-frère de Bachar – planifié et commandité sans aucun doute par les États Unis, vue la complexité de l’opération, avec des complicités locales – avait pour but que de galvaniser leurs troupes pour mieux les « jeter dans la gueule du loup » et jouer sur le moral de l’armée et de la population afin de les bousculer à rejoindre, on ne sait jamais, l’insurrection. Le résultat ne s’est pas fait attendre si bien qu’en moins d’une semaine Al Midan, cette cité de Damas que l’on a fait croire « libérée », a été totalement ‘nettoyée’ de ces groupes en même temps que d’autres résidus de groupes, moins importants, ont été anéantis dans d’autres cités comme Barzeh, Qaboun, le faubourg d’al-Kadam, le quartier de Bassatine Arrazi. Les médias syriens ont annoncé aussi des combats dans le quartier Roukn Eddine, Joubar, Daraya, Kafar Soussé, les localités de Diyabia et Sayda Zeyneb où l’armée progresse assez vite. L’armée multiplie systématiquement les points de contrôle afin d’empêcher les ‘résidus’ des bandes anéanties de toucher d’autres secteurs. D’autres villes, plus particulièrement les banlieues de Hallab, Idlib, Homs et Hama, seraient en cours de ‘nettoyage’ des derniers groupes armés qui se livreraient à des combats d’arrière-garde.
Cette « bataille de Damas » a dû être bien étudiée, tactiquement, par les « services » de l’armée syrienne pour réussir à mettre en déroute, militairement et moralement, une bonne partie de l’ASL. Selon certains témoignages d’activistes voire de chefs de groupes, ce serait plutôt les groupes armés qui auraient été trompés par les faux communiqués triomphalistes d’Aljazeera et d’Alarabia si bien qu’ils se seraient « fait prendre » alors qu’ils «croyaient prendre ».
Dans quelques jours, on fera tout pour faire oublier cette action suicidaire. Mais comme le ridicule et le virtuel ne tuent pas on annoncera des « replis tactiques » et sûrement d’autres « batailles », d’autres « combats violents », d’autres « libérations », peut-être aussi un « coup d’Etat », des « défections », des « chutes des villes », la «fuite de Bachar » dont-on fabriquera les images, à l’Hollywood, que l’on médiatisera pour en faire des « succès » fictifs sans impact sur la réalité du terrain, sur les tactiques ou sur l’inexorable échec politique et militaire de cette aventure américaine en Syrie. Le ridicule arabe va jusqu’à éructer avec un ton doucereux, ce dimanche à Doha, les mêmes inepties demandant à Bachar de « renoncer au pouvoir » en lui assurant une « sortie sûre » afin « mettre fin à l’effusion de sang…et préserver l’unité de la Syrie » tout en relançant l’exigence de mettre en place des « zones de sécurités » et des « couloirs humanitaires » certainement pour sauver de l’anéantissement ce qui leur reste de troupes. Hamad ben Jassem al-Thani, cet ‘Emir-jouet’ allié du mal, use même presque d’une prière à l’endroit de Bachar en appelant à sa conscience: « Il peut arrêter les destructions et les tueries en prenant une décision courageuse ». Comme si le sort des dynasties qatarie et saoudienne dépend de la «chute de Bachar» ! Ce qui est bien le cas.
Ni les félons, d’un CNS incohérent et divisé, qui se dévoilent par les aides d’États connus pour leur impérialisme et colonialisme et leur sollicitation d’une « une intervention militaire extérieur», ni l’ASL décousue et aléatoire, ni la Turquie d’Erdogan qui abrite les groupes armés (ou réfugiés) et qui récolte déjà une révolte, ni les vassaux du Qatar et d’Arabie Saoudite qui financent le tout, ni la Jordanie et la coalition anti-syrienne du Liban, ni même l’Europe – qui ne sont tous que des instruments dans cette stratégie américaino-sioniste – ne peuvent décider de quoi que ce soit dans cette lutte des grands. Ce seront les américains qui décideront du moment et du comment « arrêter cette crise » qu’ils ont suscité pour des objectifs précis. Ce sera soit lorsque le régime Syrien et son armée s’effondreront, soit lorsque l’échec de leurs tactiques devient manifeste sur le terrain des combats ; c’est à dire lorsque l’opposition armée sera irréversiblement défaite. Dans ce cas, ils ordonneront le « dialogue » pour préserver ce qui reste de leurs intérêts. Le pragmatisme américain, qui ne s’encombre ni de morale ni d’idéologie, fera rapidement son bilan et décidera. Nous verrons alors tous leurs alliés, États et médias, suivre en acquiesçant.
Par Djerrad Amar