Alors que la Tunisie est loin de se remettre de l’amateurisme et de la prématurité des sondages des intentions de votes, qui avaient débuté l’année passée avant leurs temps en l’absence de tout programme digne de la destinée d’une Tunisie dont la révolution était encore en marche, des inconscients sont en train de se livrer au même amateurisme, au mépris de ce que pourrait en être les conséquences sur le devenir de la nation.Quelle inconscience que d’oser demander au tunisien de s’exprimer sur ses intentions de vote, alors qu’aucune des tendances politiques n’a encore présenté de programme lisible au peuple!
Alors que le peuple ne se remet pas encore du débarquement au pouvoir de nahda sans avoir présenté préalablement de programme qui aurait pu être un argument dont se serait prémuni la Tunisie face à la déroute dans laquelle beigne le pays depuis des mois, des inconscients se lancent dans des sondages de l’intentions de vote du tunisien. Comment peut-on se hasarder à refaire la même erreur alors que le pays court la banqueroute parce que le tunisien a failli d’exiger des programmes complets des partis avant de manifester une quelconque préférence. Ayant débarqué au pouvoir sans programme lisible, le gouvernement se livre à un amateurisme assassin, sans se sentir nullement le devoir de rendre compte à la nation.
Si le tunisien veut être considéré pour un citoyen à part entière, il devra apprendre à bien faire ses choix en exigeant de tous les politiciens de bannir le populisme. Le devenir des nation ne se joue ni à coup de sandwich, ni à coup de mouton, ni à coup de billets de quelques dizaines de dinars, ni…. S’il ne veut plus rester en déphasage par rapport aux politiques adoptées dans le pays, le tunisien ne doit plus avoir froid aux yeux face aux politiciens qui usent de la corruption pour arriver au pouvoir avec l’espoir d’étendre les tentacules une fois assis sur le siège et faire main basse sur la richesse nationale. De même, si le tunisien le veut, il peut assassiner dans l’œuf tout parti mercenaire et traître reléguant l’intérêt national en dernier lieu. Le double préalable serait que le tunisien apprenne à:
– exiger de tous les partis d’être clairs dans les intentions;
– faire son choix des futurs dirigeants d’une manière rationnelle et en connaissance de cause.
– rompre avec la vision unilatéraliste et simpliste, qui ne s’attache qu’à un aspect des orientations politiques
En effet, aucun peuple ne peut prétendre à la démocratie sans avoir préalablement fait l’apprentissage de l’évaluation de la complexité. Or, force est de constater qu’autant la réalité tunisienne s’avère complexe tant dans ses composantes endogènes qu’exogène, autant il y a quasi unanimité parmi toutes les tendances politiques, voire parmi certaines composantes de la société civile, de maintenir le tunisien à l’incompréhension de cette complexité et de la capacité d’en faire l’évaluation. Est-il possible que le tunisien puisse apprécier lors des élections la supériorité de l’un ou l’autre parti, quant à sa capacité de gérer la complexité des affaires tunisiennes, pour réussir à préserver la souveraineté de la nation tout en répondant aux urgences nationales qui ne peuvent plus attendre? Logiquement, la réponse est « NON ».
Revenons donc à l’amateurisme par lequel j’ai débuté cet article.Une publication circulait il y a quelques jours sur facebook invitant les internautes à s’exprimer sur le choix du futur président. (1)
Cette publication était précédée il y a quelques semaines par une autre rédigée ainsi:
« Faites votre choix, la compagne a commencé, ils seront 4 formations politiques:
1- Les islamistes, avec la troïka actuelle.
2- Le centre gauche composé d’Afek, PDP, El Joumhouri… et de sa gauche mené par Ettajdid, avec PTT, les indépendants du pôle et doustourna…
3- Les destouriens.
4- L’extrême gauche. »
Placé aujourd’hui face à de multiples défis externes, la Tunisie requiert plus que jamais la prudence du dirigeant comme du peuple. D’où la priorité devrait être donné à l’examen préalable par le tunisien de la capacité des uns et des autres à s’engager des politiques saines et rationnelles face à l’ampleur des défis, sur base de programmes préalablement établi et présenté au peuple de manière lisible, loin du populisme et de la manipulation dont avaient usé les candidats lors du scrutin du mois d’octobre.
Que le candidat le soit pour les présidentielles ou pour les législatives, il devrait être en mesure de présenter aux électeurs des réponses concrètes sur l’ENSEMBLE des préoccupations qui sont aujourd’hui à l’origine des discordes et du mécontentement de la majorité de la population, à savoir:
– La résolution de la question des snipers. La majorité du peuple se refuse d’enterrer la mémoire des braves. Tout candidat non prêt à s’engager dans ce devoir de mémoire ne peut être digne d’accéder au pouvoir. Les candidats non disposés à s’engager à faire la lumière sur les snipers et à informer la nation des causes d’éventuelles difficultés d’investigations, ne peuvent logiquement pas être les meilleurs candidats. Tout tunisien digne de porter ce qualificatif doit exiger que cette question figure en tête de tout programmes politique, avec des objectifs, des moyens un plan d’action et des délais de réalisation. Toute formation ne pouvant reconnaître la place centrale que doit mériter une telle question dans son programme électoral ne sera digne d’accéder au pouvoir. Le gouvernement sera ensuite évalué sur base du programme qu’il a présenté, sil en dévie de manière injustifiée, il saura que le peuple ne le laissera pas en paix et qu’il finira par l’inviter à dégager au cas où il persiste dans sa sourde oreille.
– Le deuxième défi à lever par les futurs gouvernants, est celui du redressement de la situation socio économique en vu de résorber cette armée de chômage dont le volume représente une vraie bombe sociale, donc une menace redoutable contre la stabilité et la paix. Les candidats dignes d’arriver au pouvoir sont ceux qui démontrent de la capacité de présenter dans leurs programmes, un plan d’action lisible, une démarche cohérente avec des objectifs et un tableau de bord reprenant les indicateurs clé, sur base desquels ils auront à rendre compte, tant au niveau régional, qu’au niveau national.
– Un autre défi à ne point négliger par les futurs candidats, est celui de la promotion de la tolérance entre les différentes composantes de la société. Une priorité doit être accordée au dialogue inter régional, interculturel et inter idéologique, dont la rupture représente déjà depuis plusieurs mois une menace contre la paix et la stabilité. Le peuple tunisien qui s’est réveillé uni au lendemain de la fuite de zaba, s’est vu délier au gré du cancer des alliances douteuses imposées de part et d’autres aux tunisiens par une opposition qui s’est laissé vendre l’âme au diable à toutes les forme de néo colonialisme. Alors que le 14 janvier, aucun symptôme de tumeur n’était palpable, le cancer importé a sévi tellement fort, que la Tunisie s’est transformée en l’espace de quelques semaines en terrain de bataille d’intérêts étrangers divergents. Si le peuple aspire à la paix, il doit exiger que les candidats présentent un programme clair qui puisse s’attaquer à ce CANCER importé. Les candidats doivent présenter le bilan des actions qu’ils avaient déjà menées pour nouer le dialogue intra national, en vu de remédier au CANCER importé par des acteurs ayant sombré à fond dans le suivisme, pour finir par exposer le pays à la guerre civile. Le candidat digne d’arriver au pouvoir, ne peut être que celui qui saura démontrer preuve à l’appui de sa prédisposition et de sa capacité à mener des actions concrètes pour découdre avec ce mal découlant d’alliances douteuses contraires à la souveraineté et à l’unité nationale. Tout acteur persistant dans son incapacité d’être souverain par rapport aux alliés qui l’ont soutenu contre zaba, doit comprendre qu’il n’a de place au pouvoir. S’il s’estime une dette vis-à-vis de ses serviteurs, il n’a qu’à aller chercher les moyens de rembourser ses dettes loin de l’intérêt national.
– Le précédent défi est étroitement lié au défi de la réconciliation nationale, laquelle dépend de l’instauration d’une vraie justice de transition, sans laquelle beaucoup de plaies resteront non cicatrisées, ce qui représente une autre source d’instabilité, donc une entrave à la paix sociale. Les candidats dignes d’être choisis sont ceux dont le programme cite explicitement la volonté d’instaurer une justice de transition, en en citant dans les détails la démarche, les étapes et les échéances, et l’engagement à informer la nation de tout ce qui pourrait entraver l’agenda prévue dans le programme.
– Un autre défi auquel des solutions ne peuvent plus attendre est celui de la réforme de la justice qui continue à être une source de déséquilibre induisant parmi les moins nantis un sentiment d’injustice, qui continue à être une menace à la paix sociale. Tout candidat non disposé à s’attaquer à la corruption rongeant depuis des décennies le système judiciaire tunisien ne sera digne d’accéder au pouvoir. Le candidat crédible est celui qui saura présenter dans son programme un vrai plan d’action pour mener la réforme du système judiciaire avec agenda et tableau de bord, tout en s’engageant à présenter en cas de retard par rapport au prévisions, le détail des causes du retard pris dans l’avancement de ces réformes.
– Parallèlement aux réformes de la justice, les candidats doivent attester d’une volonté de s’attaquer à un autre chantier, dont la négligence représente depuis des années une autre forme d’injustice et dont le poids est reporté sur les catégories les moins favorisées. Il s’agit du déséquilibre fiscal et du manque de mécanismes de contrôle fiscal audacieux, qui sont une porte ouverte aux abus et à la fraude. Ces fraudes occasionnent un énorme des fuites du trésor public. Ce qui empêche l’état des moyens de ses politiques, notamment en matière d’emplois, de politique sociale et d’appui au redressement économique. Le candidat n’ayant dans son programme un plan d’action clair pour s’attaquer aux fraudes fiscales, ne peut être le candidat approprié pour la Tunisie. Au vu des énormes besoins budgétaires, à défaut d’un suivi rigoureux dans la fiscalité, le pays risquerait d’être davantage piégé dans la spirale infernale d’une dette, dont le poids entraînera inévitablement les générations futures dans l’esclavagisme moderne.
– La préservation des richesses de la nation et des revenus induits par l’exploitation de ces richesses est non seulement une priorité et un défi, mais c’est avant tout un DEVOIR NATIONAL, et un baromètre du sentiment de PATRIOTISME. Les programmes des candidats aux futures élections doivent comporter la ferme volonté de s’attaquer à tout mercenaire s’étant livré ou tenté d’être livré de faciliter le pillage des richesses nationales. Les candidats doivent s’engager à légiférer pour placer des limites au monde de la criminalité organisée, qui s’acharne sur la richesse tunisienne, en usant par ailleurs des paradis fiscaux, livrant nation et peuple à la pauvreté, pour les contraindre à vivre à la merci des bailleurs de fonds et de leurs conditionnalités qui ronge d’année en année le peu de souveraineté qui reste aux tunisiens.
– Les candidats doivent exiger que les administrations mettent à leur disposition un état des lieux du trésor public, de l’état d’endettement, et des réserves en devises auprès de la banque centrale. S’ils envisagent un quelconque recours à un endettement supplémentaire, la destination de chaque million de dette doit être motivée, ainsi que la préférence des bailleurs de fonds, suivie d’une motivation.
Les candidats doivent s’engager à réviser les accords et traités dont la nature est contraire à la souveraineté de la nation, et le cas échéant à poursuivre ceux qui ont contracté des accords portant atteinte à la souveraineté de la nation. Le candidat digne d’occuper le pouvoir est celui qui est capable de s’engager à divulguer le contenu des accords internationaux qui engagent le peuple et la nation qu’il dit vouloir représenter.
Il doit par ailleurs s’engager à ne jamais signer des accords contraires aux intérêts de la nation ni avec des rétrogrades arabes ni avec d’autres partis tiers. De même, il s’engage à servir la nation en puisant dans toutes les compétences nationales, loin du népotisme, du favoritisme et du clientélisme, en consacrant les deniers publics selon le principe de la méritocratie.
Pour que le tunisien puisse exercer sa pleine citoyenneté, il doit commencer par exprimer avec fermeté sa détermination à préserver les chaînes publiques, à l’abri des prédateurs qui cherchent à confisquer aux tunisiens l’outil premier de l’expression démocratique. Aujourd’hui Al wataniya 1 et 2, sont loin d’être indépendantes. D’où, tout en poursuivant sa lutte pour libérer le pays de l’emprise de certains acteurs sur les médias public, il faut s’opposer contre la volonté de ces mêmes acteurs de privatiser les chaînes publiques dans l’espoir d’en faire un outil de propagande politique, et confisquer de la sorte au tunisien le droit d’accès à l’expression du pluralisme politique.
Dans un article rédigé le 3 avril intitulé » Quels préalables aux futures élections pour le choix d’une bonne alternative? » que vous pouvez suivre à travers le lien suivant, https://www.facebook.com/note.php?note_id=384207068277669 je présentais quelques préalables aux élections, qui pourraient être pour le tunisien une voie vers l’espoir à un avenir meilleur.
Asma Souissi
(1) https://www.facebook.com/questions/2939021281361/?notif_t=question_answer