Sans trop vouloir verser dans le nombrilisme et l’auto satisfaction, je serais tout de même tenté de considérer que nous autres, tunisiens, sommes formidablement paradoxaux. Nos motifs de fierté sont autant nombreux que ceux de notre self indignation.D’accord, nous pouvons être fiers pour avoir réussi à mettre aux archives vingt trois années de dictature.
D’accord, nous l’avons fait tout seuls sans MAM ni BHL ni l’OTAN.
D’accord, nous pouvons nous vanter d’être les initiateurs des printemps arabes et non arabes.
D’accord, nous avons accueilli à bras ouverts des dizaines de milliers de réfugiés venus découvrir les prouesses de notre Khemaïs Boubtane national, à un moment très délicat de notre histoire récente, forçant ainsi l’admiration du monde.
D’accord, nous avons réussi à aller titiller les encriers pour maculer nos index sous le regard curieux et admiratif de tous nos voisins.
D’accord, nous avons maintenant une constituante, une opposition, un gouvernement et un président qui déteste les cravates.
D’accord, nos agents des forces de l’ordre, ne sont plus effarouchés par les citoyens et commencent à investir les ronds points et les alentours des édifices publics.
Malheureusement nous voyons également partout des scènes d’anarchie inqualifiables dont les acteurs ne sont autres que des compatriotes aussi tunisiens que vous et moi.
-Nous avons vu des candidats à l’élection, véreux qui, quand ils ne promettent pas les monts et les merveilles comme le boulot « Tawa », les sous « Tawa », le mariage « Tawa », les enfants « Tawa » et la démocratie « Tawa-Tawa », ils distribuaient des cigarettes de contre bande, des billets de banque importés, des moutons à sacrifier, des petites quequettes à circoncire, des leçons du soir données gracieusement le matin, de la fourniture scolaire en nature ou en espèce, des consultations médicales à l’œil.
-Des gens tellement pressés de tirer les dividendes sonnants et trébuchants, allant même demander des augmentations de salaires immédiates, des titularisations et des parts du
-D’autres plus honnêtes -car travailleurs- colonisent les trottoirs pour y vendre des produits importés sous le nez de la douane, par d’autres plus nantis mais peu scrupuleux veillant à la pérennité des déficits publics.
-Des sit inners dans les péages autoroutiers, sur les voies de chemins de fer, sur les nationales et les départementales, sur les ponts mobiles les rendant immobiles, aux entrées des usines, des raffineries et des facultés à vous faire perdre vos facultés.
-D’autres entravent la bonne marche des débits de boissons des débits de gaz, des débits de lait et peut être bientôt les débit de conneries. J’allais oublier les débits de gâteaux du jour de l’an sous les conseils d’oulémas qui confondent entre calendrier grégorien et religion.
-Et puis les autres qui poussent le bouchon de la liberté jusqu’à exiger l’autorisation du cannabis aux heures du boulot. ( là, c’est moi qui ai fumé un joint de trop!)
-Et ces lycées à moitié désertés à la fois par les pions, l’administration, les élèves et les profs. Sous prétexte que monsieur le directeur n’est plus là car il a été élu député.
Tous ces gens là, ne sont-ils pas, en définitive, nos frères, nos cousins, nos voisins et nos parents? Ceux-là même qui ont certainement participé d’une manière ou d’une autre à cette révolution pour la dignité, le travail et la liberté. Pourquoi se comportent-ils alors de la sorte, pour que aucun des ces trois objectifs initiaux ne soit atteint?
C’est à se demander si notre révolution ne s’était arrêtée à la moitié pleine de la bouteille, quant à l’autre moitié…elle confirme le paradoxe tunisien. Mais je reste optimiste car nous sommes capables de nous épater nous même, encore et davantage.