Je ne me rappelle plus où j’ai lu cette formule, ni qui est son auteur. Tout ce dont je me rappelle, c’est qu’elle m’a interpellé et continue, de plus en plus, à le faire.En effet, elle répond à un dilemme central de notre processus révolutionnaire marqué, d’abord, par cette rage du peuple à se débarrasser de la caste mafieuse, des grands corrompus (e)s de l’Etat et des criminels/tueurs des manifestants désarmés sans, pour autant, se poser la question sur les pouvoirs alternatifs à instaurer.
En fait, le slogan populaire et houleux, DEGAGE, ne tardait pas à se propager, non seulement dans la région arabe, mais aussi dans la rive nord du méditerranée. Il incarnait une volonté à chasser les personnes les plus détestées et les plus connues par leur saleté au sein des régimes en place. C’est un slogan clairement personnalisé, individualisé, partiel, et de là, nettement réformiste.
Les sit-ins populaires, les mobilisations dans les régions et dans les entreprises qui se sont servi de ce slogan pour abattre des responsables corrompus et largement hais, refusent, jusqu’à maintenant, de lever le toit de leur mouvement vers la proclamation pure et simple de leur pouvoir souverain à la place des fantoches déchus.
Aujourd’hui, encore et encore, le mouvement insiste à revendiquer un changement partiel du régime en place. Il s’agit de virer deux ou trois ministres et quelques membres de la Haute Instance de viol de la révolution. Les plus radicaux prônent la chute du gouvernement tout entier, ce qui vaut, dans les meilleurs des cas, un aménagement du régime de ZABA, puisque le gouvernement n’en est qu’une petite équipe.
Remplacer les responsables corrompus, les criminels, les mains sales par des « propres », « patriotes », « confiants » etc… ne touche pas le font du régime et ne dépasse, en aucun cas, le cadre dictatorial et pilleur du régime de Zaba, tjrs quasiment intact.
En effet, les structures de l’Etat bourgeois dépendant sont toujours là, à garder les intérêts des pilleurs, à couvrir les criminels de la colère populaire, et à rétablir l’ordre capitaliste libéral sauvage. Sans l’enjeu du démantèlement des structures de l’Etat actuel, il n’y aura pas d’aboutissement au processus révolutionnaire en cours.
Pour que « DEGAGE » surmonte sa personnalisation et sa partialité, il faut, non seulement dégager tous les symboles du pouvoir dictatorial et pilleur: Omdas, Délégués (mou3tamad),gouverneurs (wali),conseils municipaux fantoches, PDG d’entreprises, hauts bureaucrates de l’armée…, mais aussi démanteler les structures hiérarchiques qui les légitiment.
Là, on est dans une logique qui dépasse le « Dégage » vers un processus révolutionnaire ou le peuple S’ENGAGE à prendre le pouvoir, la gestion des biens, des richesses et des services communs.
Et, là aussi, on peut parler d’une œuvre qui exécute des taches/procédures incarnant réellement le slogan le plus révolutionnaire, le plus global et le plus mobilisateur des peuples en révolution: « LE PEUPLE EXIGE LA CHUTE DU REGIME ».
Traduire le mot arabe NIDHAM (نظام) par régime est partiel, et, donc, incorrect. Comme tout mot arabe, le mot نظام exprime plusieurs sens dont au moins deux nécessairement liés au contexte du slogan traité. En effet, les peuples de la région exigent, avant tout, la chute des dictatures politiques qui leur étouffent depuis des décennies. De ce fait, le sens de régime politique saute le premier aux yeux.
Mais, rien qu’en approfondissant, un tout petit peu, notre regard, on constate, vite, que ces révolutions sont, bel et bien, des révolutions sociales qui ripostent à la situation de pillage, de paupérisation et d’exclusion sociale de plus en plus généralisée; dans une région conçue potentiellement, par ses richesses naturelles, parmi les plus riches du monde.
Le slogan « l’emploi est une droit, bande de voleurs », ou « Emploi, liberté, dignité nationale »… ne font que confirmer que la séparation et la dissociation entre révolution sociale et révolution démocratique et nationale, n’est qu’un leurre produit inlassablement par les libéraux, les nationalistes et les momies de gauche, qui se rallient à la perspective de la récupération de la révolution au profit des capitalistes. Ceux-ci essaient, par tous les moyens, de la gérer et de la limiter à des réformes superficielles, dans le but de restaurer leur régime politique et préserver leur système socio/ économique.
On est, donc, forcément, devant l’autre sens contextuel du mot NIDHAM, qui veut dire «le système » et donc, on est devant un concept socio/économique, dans notre cas, le système capitaliste dépendant. Abattre le régime oui, mais aussi le système qui l’engendre et qui ne peut que produire toutes sortes de dictatures.
Ce n’est pas par hasard que notre région soit à l’arrière train de tout le monde en ce qui concerne libertés collectives et individuelles, politiques et culturelles… La situation de misère absolue qui touche une grande majorité de ses peuples ne permet pas le luxe d’une « bonne gouvernance », associant un libéralisme politique au libéralisme économique dominant. De ce point de vue, tout ce qui se dit sur cette équivalence entre les deux libéralismes n’est qu’un mensonge qui ne dupe plus personne.
Engageons-nous, donc, à élire nos conseils populaires révolutionnaires, démocratiques et souverains là où on dégage les représentants de l’Etat des pillards