Cela fait quelque temps que je n’aime plus venir sur facebook ou que je n’aime plus rester. Juste deux ou trois petits échanges mais plus comme avant.Je n’y trouve ni le plaisir ni le goût.
Je ne me sens plus vissée à cet outil dont je ne départais plus depuis que le soulèvement a commencé à se faire, les gorges à se dénouer et le rêve de liberté à se concrétiser.
Il est fou ce rêve, grandiosement fou!
Nous y avons cru.
Nous l’avons accroché à nos fenêtres, à nos portes et nos vies et plus rien ne sembla enquérir autant d’importance.
Il nous a rapprochés, soudés, unis et haletants, nous courions nous désaltérer à chaque instant en non stop des nos frustrations, de nos faillites, de nos découragements, de nos bassesses, de nos lâchetés, de nos vies gâchées dans des mascarades d’acquiescement et de léchage absolu pour les gens du pouvoir.
La fuite de Zaba a eu sur nous ce goût de libération rapide, facile et sans trop de casse juste pour les familles des martyrs mais leur nombre est tellement discutable, notre égo tellement prépondérant qu’il n’ya pas de proportionnalité.
Parlons-en de ces martyrs.
C’est leur premier Aid du mouton sous terre.
Des tombes abandonnées juste visitées par des mères à jamais endeuillées, des familles à jamais dans la tristesse et la perte.
Je tremble.
Je voudrais les tirer de sous de terre et les marier aux images de gloire.
Je voudrai balayer le reste de ma mémoire enfouie dans ces tombes abandonnées couvertes de « ziwel » et de feuilles en décomposition pour hurler le désarroi et la justice mnésique qui s’encombre de détails, négocie le superflu et ignore l’essentiel.
Je dérive d’amnésie en amnésie à commencer par ce délire collectif qui a pu croire un jour en une fuite de Zaba et en une révolution véritable que plus en une fin d’échéance d’un président aux services des pourris unis sinon comment expliquer le terrible scénario d’une fuite programmée et d’une chute d’un régime totalitaire avec autant de facilité?
Puis cette batterie de scénario d’épouvante mettant en action des tireurs d’élite qui ont assailli nos toits et nos maisons dans le seul but de tuer des civils innocents abattant à la pelle des femmes de vieillards des hommes et des enfants?
Je viens d’avoir un écho lamentable du gazage de Maram Nasri une petite fille de 2 ans et 8 mois le 9 janvier 2011 aux bras de sa mère qui elle aussi blessée à son tour par une balle de sniper à Kasserine lâche l’enfant.
La petite est recueillie par des gamins qui marchaient derrière un cortège de martyrs tombés la veille par des balles répressives.
L’un d’eux court avec l’enfant dans ses bras. Une balle meurtrière l’atteint de plein fouet. Il tombe couvrant en un dernier geste héroïque le bébé. Ses amis le couvrent en tombant un à un sur lui toujours sous des balles meurtrières par un fou enragé cachant à plusieurs l’enfant miraculé.
Quadruple meurtres ou quintuples, là n’est pas la question!
Maram souffrant déjà d’une maladie métabolique résiste peu au gaz lacrymogène qui endommage son système nerveux et respiratoire lui faisant perdre la fonctionnalité de ses jambes et de ses poumons.
Paralysie motrice doublée d’un asthme sévère invalidant est le bilan de cette enfant dressé par une maman en extrême détresse et rectifié par le médecin qui la suit.
Les convalescences de l’imagination sont affreusement longues et insoutenables lorsque nous tentons un instant d’imaginer le calvaire d’une telle ressortissante ou de sa famille ou de celles des familles des martyrs dont l’aimé a été abattu par des balles crapules et criminelles que le gouvernement de transition dont à leur tête le premier ministre diffame et autorise la banalisation pire encore raye en affirmant la non existence des tireurs d’élite et en fait une pure invention.
Des morts sans meurtriers, des visés en plein dans le mire sans snipers!
Maram, une miraculée même amoindrie survit encore pour attester d’une humanité laide, vile et mnésique.
Maram même invalide est encore là pour toujours témoigner de crimes de guerre portés sur des enfants et qui restent encore dans l’impunité avec la bénédiction de ce gouvernement de transition ou de cet autre nouvellement élu pour asseoir le même ministre aux propos si choquants.
L’air glacé se respire comme un sordide philtre d’oubli.
Des voix polaires ces jacasseries de femmes qui gèlent les ardeurs et les passions.
Des hommes polaires ces messieurs qui s’accordent une pause et renouent avec les traîtres et les vendus.
Je tremble encore aux cris perçants de la gamine qui convulse sous la lacrymo.
Je n’ai plus de mémoire dés lors que pour ces tombes encore fraîches et le courage ne me manque plus pour mendier leur procès.