Kaddafi a vécu. iL est en effet temps que vive la Lybie. A Syrte ou ailleurs, le spectacle de la mort n’est certes jamais bon à consommer mais peut-on vraiment juger de la mort d’un dictateur comme de celle d’un accidenté de la route, d’un enfant atteint du sida ou encore d’un prisonnier politique?Nous avons tous cette faiblesse d’oublier ce fait pourtant des plus évidents qu’est cet acte si ponctuel de rendre l’âme; bref de tout simplement disparaître de la scène. J’ai néanmoins l’impressuion que ce sont surtout les dictateurs et les tortionnaires qui n’y pensent pratiquement jamais de leur vivant. C’est bête mais c’est ainsi: pour eux, il n’y a pas de mort. il n’y a que du meurtre. Et ce ne sont pas les mêmes notions. En ne pensant que meurtre, les dictateurs tuent et, ne pensant mort, ils se protègent du meurtre, de l’assassinat.
Cette façon de voir – et l’on sait bien que le dictateur et ses similaires ou assimilés ont toujours une façon différente des plus communs des hommes de voir les choses – fait que mourir ne leur dit vraiment rien de particulier quand c’est de faim, de peur ou encore de quelque autre cause qui, pour eux, ne serait toujours que naturelle tant que cela ne les concerne pratiquement pas en personne. Pas un homme normalement constitué n’acceptera l’injustice de donner la mort à autrui. pour un dictateur, rien n’est plus naturel. Pire, le nombre importe encore moins: qu’un homme -ou une femme d’ailleurs- meure sous la torture ou les tirs relève pour eux de l’ordinaire. Que plus d’un millier de prisonniers soient tiraillés et assassinés en deux ou trois heures dans un espace clos – une prison!- ou que des manifestants soient ‘lapinés’ relève, pour eux du devoir national. Pire, ce n’est toujours pas la mort. C’est tout juste du meurtre, au nom de la loi. L’adverbe français ‘froidement’ ne me paraît pas juste en la matière tant il n’y a pas de mort froide et surtout pas de meurtre ‘politique’ qui soit pour le dictateur sans une certaine chaleur. elle n’est pas à chercher dans les coups ou les balles, mais bien dans la logique, le discours ou encore le psyché dictatoriaux. Comme dirait un fonctionaliste, c’est tout un système qui (se) tient. Et, pas de surprise dans ce même ordre d’idées, il ne tient que par le meurtre!
En effet, nul ne pourra d’ordinaire comprendre ou justifier qu’un être humain puisse être ‘assassiné’ rien que pour un point de vue différent, pour une opinion différente ou même opposée de celle du dictateur et du système. Et pourtant, la dictature ne le conçoit absolument pas du même angle: elle appelera ‘trahison’ la différence de vision du monde – ce qui à ses yeux constitue un motif pour le meurtre- mais appellera justice; voire patriotisme ‘le meurtre légal’.
Sans trop d’hésitation, je pense qu’à ce niveau aussi, la dictature n’est ou ne peut être que duale; en ce sens qu’il n’y a pas milles espaces mais juste deux; le mien, le tien ou, plus adéquatement, le nôtre et le vôtre; qu’il s’agisse de lieux, de territoire, de valeurs ou encore de meurtres. Et comme la dualité pose ou rappelle le duel (au sens classique); il y a bien lieu d’admettre que c’est au fond, et par métaphore, sa caricature la plus juste. Toute dictature est exclusive. Par exclusion systématique, elle porte le meurtre. Elle ne pose de nature que deux espaces en toute opposition.
A sa phase libérale, le capital n’est pas différent. il y a juste qu’il a les moyens des deux poids, deux mesures. il n’aapliquera pas la ‘dualité’ de façon ouverte à l’échelle nationale mais bien à l’échelle internationale. Bush, d’ailleurs, le disait explicite: si tu n’es pas avec moi/nous, tu es contre nous, en résumé.. c’est la même dualité, sauf que les dictateurs de moyens bien moindres ne l’appliquent qu’à l’échelle locale et de façon encore plus plate.
Les amis de Kaddafi – et il devait y en avoir – doivent se sentir meurtris. Les opposants de la dictature, partout au monde, doivent se sentir sauvés. En effet, Kaddafi, c’est des milliers et des miliers de morts et de blessés, au point si pathologique – qouique tout à fait logique dans la dualité dictatoriale – de tuer et de payer ensuite. Du meurtre pour nulle cause autre que la raison du dictateur, tant il est même difficile de parler dans son cas d’Etat. Sur terre, avec ses assassinés de tous temps, en l’air, avec les deux avions, et en mer avec tous ces cadavres salés que rejete les profondeurs et de mer et du drame human.
C’est aussi un paradoxe assez terrible de voir comment la pensée ‘libérale’ s’étonne aujourd’hui du lynchage de Kaddafi. Le capitalisme vous donne de fait l’impression de porter plus de passion ou en tous cas d’intérêt aux cadavres qu’aux vivants. Tiens, tuez-le, disait en somme H. clinton un jour avant que Kaddafi ne soit abattu. et, avant et après elle bien s¨r tous ses collègues ‘démocratiques’. Et c’est bien le même jour que l’on affiche ‘la barbarie’ du meurtre et du lynchage. L’hystérie atteint son comble hypocrite dans l’expression ‘ C’est digne du régime de Kaddafi’. tel n’est cependant qu’un aspect du paradoxe, le moindre. Plis important est encore ce fait que le meurtre en masse n’émeut en rien le capital. Contrairement au meurtre d’un seul individu, celui de tout un peuple, de peuples entiers ou de millions de personnes n’a pratiquement aucune résonance particulière. Des premières guerres