Penser peuple, c’est en premier lieu admettre qu’une nation n’est pas un bien et que c’est surtout très bien qu’elle ne soit pas conçue comme telle. Pour les mauvais politiques cependant, elle n’est qu’ainsi tant ce qui les intéresse c’est leurs propres avoirs et pouvoir.Là où les démocrates de fond conjuguent Etre, ceux de forme – donc les opportunistes de fond – ne conjuguent qu’AVOIR. En ce sens aussi, il est anormal que l’on soit assez naïf de croire quiconque nous inonde de promesses; capital premier des faux.
Il ne s’agit pas de le dire mais de bien veiller à ce qu’il y ait toujours et à tout niveau de la chose publique des instruments non différés de contrôle populaire. Ce serait un outil de présence publique capable, selon des schémas à concevoir ensemble, de ne rien laisser au hasard, souvent forcé, des intentions politiques dites et surtout non dites. La démocratie méritée n’est autre que celle qui exige du citoyen qu’il ne délègue de son pouvoir, en fait de son droit, que les grandes lignes dont la mise en pratique permet d’en contrôler; voire carrément superviser, le détail.
Les opportunistes de tout poil trouveront toujours -de force d’us et d’abus- des raisons pour la délégation absolue; bref pour la main mise des ‘politiciens’ sur la vie publique. C’est tout simplement abusif car contre la démocratie réelle; celle où les décisions vont de la base vers le ‘haut’. Sans cette exigence, l’acte démocratique ne serait que formel tant la délégation n’est en toute matière que réductive et, dans les dictatures, terriblement minimaliste.
En ce sens aussi, protéger les politiques en les ‘immunisant’ constitue une aberration que ces mêmes politiques ne cèderont ni à la raison ni à la pression ‘parlementaire’ tant elle les sert à merveille. Représenter le peuple, parler et agir en son nom, c’est d’abord reconnaître que l’on ne naît pas député, ministre, ambassadeur ou président. On le devient, dans les démocraties qui se respectent, par les voix et les choix du peuple.
Plus que la gratitude, le respect même du peuple exige tout autant que la raison que la fonction politique ne soit distinctive mais égalitaire. Que serait une constitution qui ne garantisse au citoyen – et le politique en est forcément un – sa liberté de s’exprimer? Le paradoxe fondamental – pour revenir à la question de l’immunité (irresponsabilité et inviolabilité) est que ou la constitution est protectrice de tous les citoyens et le ‘politique’ est donc constituellement’ protégé pour accomplir ses fonctions; ou la constitution (et plus généralement la loi) est à brèches et dans ce cas ni le citoyen ni son représentant ne sont protégés dans leur liberté; d’où le besoin de l’immunité alors sélective, donc non égalitaire.
Pour que la nation ou – pour éviter tout chauvinisme de pensée – la société soit vraiment et au possible humain démocratique, il faut bien qu’elle se fonde sur l’égalité devant la loi. Tenir à l’immunité suppose impossible d’emblée l’égalité.
C’est, pour retrouver à queue de conclusion tête de texte, un grand bien qu’un pays ne soit pas qu’un bien, car l’immunisation de certains ne peut se faire qu’aux dépens de tous ces autres si majoritaires et qui, hélas, n’ont aucune immunité réelle vis à vis des abus de ceux qui, parmi leurs représentants, abuseraient de leur bien et surtout de leur bonté.
La bonté, l’honneur, la dignité étant d’essence métaphysique en dehors ou à défaut de garanties concrètes, il est bien temps de penser la politique moins sacrée et d’en traiter en dehors des images et des carcans immuables.
L’immunité politique est forcément inégalitaire et c’est le contraire de la démocratie qui est populaire ou ne l’est pas. Qu’est-ce qui dérangerait plus un politique que d’être sous le contrôle permanent et institutionalisé du peuple? Seuls ceux qui accepteront de ne pas être immunisés d’entrée de jeu pourraient donner quelques gages d’intégrité. Pas d’immunité, c’est donc plus de démocratie car cela suppose davantage de présence du peuple dans sa chose. L’immunisation est dans ce raisonnement une déclaration officielle couverte d’abus des biens et des personnes.
Sans le comprendre, la majorité trop silencieuse et la minorité qui l’est moins cèderont leurs droits fondamentaux dont notamment celui de ne créer eux-mêmes leurs propres démons bon parleurs et souriants
Désacraliser le politique, c’est justement re-habiliter la politique dans sa nature pour la rentabiliser dans ses fonctions. C’est une tâche pratique des défendeurs de la démocratie de fait, donc des vrais représentants du peuple qui, eux, pensent toujours en ETRE et non en AVOIR, à part marre des jonglages du dire pour avoir. Un ami me disait hier ‘n’est-ce pas utopique de penser futile pour le citoyen, voire nocive, l’immunité de son représentant?’ C’est précisément ce que la consécration de telles ‘fraudes’ intellectuelles qui rendent une priorité pratique tellement contrariée utopique, car l’utopie même n’est utopique que par rapport à la réalité et à la mesure de l’antiquité’ de celle-ci par récidives ininterrompues d’aliénation de concepts pourtant fondamentaux telle représenation, démocratie, égalité et justice. A ce même ami, j’ aurai ajouté que noir n’est pas blanc comme blanc n’est pas noir par blancheur de l’un et noir de l’autre. Mais nous n’en avions pas le temps; tellement ça urge de re-penser l’immunité en blanc sur noir plutôt qu’en noir sur blanc! L’aliénation bourgeoise n’est pas sur le plat. Elle a toujours été aux fins fonds du four et toujours froide servie.