Qu’on se le dise d’abord et sans abus de confiance: Il n’y a de parti politique qui n’ait quelque objectif.Aux temps de la dictature tunisienne la plus articulée et tout à fait classique tant par son discours que par ses méthodes, certains partis se trouvaient des raisons d’être dans une certaine forme de rejet contenu et généralement que très rarement affiché pour l’essentiel. LEtat tunisien, rodé à l’unicité de la voix et au monopole des choix – y compris pour ce qui est de la souveraineté même du pays- tirait les ficelles de la fête aux farcis. Comme dans tout système dictatorial, les relais se font à la pièce et la domination s’impose en gros. Des partis ‘prête-mains’ voient le jour pour viter ignorer la nuit. Des mouvements ne rémediaient dans le noir à leur oppression ô combien évidente que par le réflexe de l’impuissant; prison et oppression aidant. Au réalisme pratique se substituaient chez les partis et mouvements sous contrainte dictaoriale des surenchères idéologiques et dans le durcissement mais que de ton et de son tant la vie politique souffrait du monopole et de l’exclusion la plus extrême.
En admettant toutefois que l’extrémisme ne pouvait résulter qu’en son égal mais avec cette différence que l’un a le pouvoir alors que l’autre n’en a que que les rétombées et, pour de certains, l’intention néanmoins placée en hypothèse lointaine de le conquérir un jour, le politique s’aliène d’office. Le pouvoir dictatorial aux rènes de l’Etat et de la société n’a que trop de cas à faire du peuple qu’il gère et à qui il impose une vision, des faits et surtout des défaites. L’opposition, privée des moyens du contact ordinaire avec le peuple n’a alors que le choix ou de se vendre ou de se recroqueviller dans la discrétion impuissante. Et dans un cas comme dans l’autre, le peuple -motivation et acteur premiers de toute action politique qui mérite son nom et sa seule raison d’être- se trouve à l’écart de la scène. Qu’on ne s’étonne donc que tout un pays est vraiment à refaire en la matière. A défaut de quelque succès de quelque parti politique, la révolution ne pouvait se faire que de la façon la plus juste: le peuple contre le pouvoir quand l’oppression culminait dans l’omniprésence étatique tout abusive et que les privations de tout ordre se généralisaient à faire règle là où l’exception -pouvoir central et compagnie-s’affichent par conséquent de plus en plus visibles. Mise à sac, l’économie ne transcende ses maux les plus profonds que par les seuls mots des plus faux. La dictature n’a pas eu que la seule ‘terreur’ de détourner des fonds, elle a aussi eu tout le temps de détourner tout un peuple de l’essentiel de ses présent et avenir: à commencer, hélas, par les partis politiques. Trouvant son salut, très relatif, dans son aspect national et dans ses retenues affichées exclusivement syndicales, l’UGTT semblait savante à mordre dans les deux pâtes au moulin de la patrie pétrie mais à ce même prix de refaire dans ses propres rangs écho de la dictature. L’émiettement de son action pratiquement tout au long du quart du siècle de grande déconfiture socio-politique ne fait absolument montre que de son sens de la continuité la plus froide, la moins radicale et, par tous critères, son sens tout politicien de la composition de subsistance.
En ces termes, nul n’est aujourd’hui en droit réel de prétendre avoir à cette grande révolution bâti pieds ou donné ailes. C’est la révolution du peuple, par la résistance de ses masses les plus démunies, ses régions les trop privées et ses jeunes les plus avides d’être au rythme de leur temps et aux seuls ordres de leur soif de liberté et de justice.
Le succès, détail qui compte surtout par son symbolisme det sa charge historique – du geste plein d’échos de Hafnaoui qui signalait en le pleurant presque ce fait que les générations précédentes ont aussi eu leur part de peine et de désir de changement est là, dans tout ce tremplin de souffrance généralisée – seul art tragique vécu de la dictature généralisée – pour rappeler que cette révolution, faite dans l’immédiat des manifestations criantes par le peuple, doit aussi beaucoup aux générations précédentes qui, dans l’impossibilité technique de faire de la politique et à plus forte raison une révolution de ce calibre, pétrissaient néanmoins dans ‘la nature’, au long des heures, des jours, des années et des âges comme des textes la pâte la plus chaude. La dictature a vécu.
En rejoignant la révolution, l’élite accomplit un devoir social. Elle lui donne mais dans la mêlée ses raisons de ne pas se laisser essoufler par une contre-révolution des plus ancrées et des plus aliénées.
Il y a cependant que les choses ne peuvent être les mêmes avant et après la révolution. Et c’est en ce point que la réalité crie ses faits politiques.
De retour sur la scène publique, l’élite politique ne peut être que porteuse d’un paradoxe de fond: sa nature d’élite et ses intérêts somme toute petits bourgeois ne la qualifient aucunement pour quelque radicalisme intelligent. A défaut de toute expérience politique autre que de cercles fermés et d’aspect forcément élitiste qu’imposait de fait la dictature, l’élite sera néanmoins et tout objectivement la mieux en mesure de cadrer l’action populaire et de gérer l’ processus de politisation de la vie sociale mais elle n’en a ni les moyens déterminants – l’esprit de contact avec le peuple pour le peuple à partir de programmes concertés- ni, apparamment, l’intention de mener quelque projet de long terme. Dans sa forme, le paradoxe est de temps: Trop de frustrations derrière le rideau ne produisent que précipitations sur scène. Un peu comme ces chevaux de course, l’élite se consomme déjà à l’élan, à défaut de s’en donner tout le souffle. Naturellement, le paradoxe ne peut se résoudre facilement: longtemps privée d’action politique, la même élite ne saisira de tout le processus que sa dimension ‘politicienne’; d’où sa multiplication en versions et partis; autrement dit, l’extension de sa division dans le décor nouveau de la légalisation plutôt facile de l’action politique. Pour n’avoir su digérer son oppression, l’élite étouffe d’elle-même dans sa liberté; relative soit-elle aujourd’hui. Qu’il y ait autant de partis ou plus n’est pas un mal en soi. Cependant; qu’il y ait autant pour presque trop peu ou rien est la préoccupation majeure de la Tunisie qui se cherche et qui, n’empêche, se doit bien de se trouver.
Mon point de vue est que la dimension ‘politicienne’ prend aujourd’hui le pas sur le fond même du projet de changement réel que le peuple a engagé contre la dictature, pour la liberté, l’égalité, la dignité et la justice. A l’heure où de tels motifs et visées doivent trouver traduction dans les programmes des partis, les partis, traduction du grand retour sur scène de la petite bourgeoisie, traduisent toujours mieux les ‘calculs’ politiciens de leurs chefs ou files que les besoins de tout un pays suspendu aux dates que lui fixe cette même élite dans une sorte de symphonie désarticulée et fort bruyante. Il n’était que tout à fait prévisible que plus l’élite prend de la marge légale, donc politicienne, plus les partis s’éloignent de l’essentiel de leur mission; normalement de souffle et de substance populaire. Les débats se laissent couler de source mais d’intérêt élitiste. La contre-révolution s’en refait peau de plus en plus dure non seulement parce qu’elle est d’expérience politique beaucoup plus grande mais surtout parce que son opposé est d’expérience vraiment trop courte. Il n’y a de surprise à voir le peuple – la propagande d’Etat réactionnaire aidant- afficher, y compris par ses airs les moins profonds, un désintérêt des partis. Le risque n’est pas qu’il s’en désintéresse mais qu’il déserte son devoir, le politique. En ce sens, les mêmes partis pérenniseront eux-mêmes la dictature dont la toile de fond est, justement, de tout faire et tout prévoir pour écarter le peuple de la chose publique; càd de ses propres affaires.
Cela dit, il ne serait bien entendu qu’injustice de vue; voire simple médisance que de mettre tout le monde dans le même ‘pot’. Il me semble qu’il y a aujourd’hui lieu de distinguer les partis que par métaphore j’appelerai Doly; ce premier enfant du clônage. Ils sont bien nombreux et c’est tout simplement l’RCD nouvelle crue. Rien qui vient de ce côté cadavresque ne peut sentir mieux qu’un melon pourri. Les partis d’hier, opposition de forme, se refont un peu la forme dans le seul esprit qui les a toujours caractérisés, l’esprit au mieux de réforme. Les pluds radicaux, de tendances idéologiques opposées, demeurent aussi idéologiques et au mieux trop politiciens pour réussir quelque politique porteuse de justice, de liberté et de progrès de fond. Les partis supposés révolutionnaires se détachent dans la foulée et par le rythme que leur impose l’Etat et la réaction dans son ensemble, de l’essentiel, à porter de jour en jour plus épais le manteau politicien plutôt que les ambitions de ce peuple si digne de respect.
IL ne peut y avoir de prétention à dire que tout cela se comprend dans son contexte.Le capital mondial – disons tout simplement les grandes puissances étrangères -ne peuvent perdre de vue leurs intérêts. La réaction de toutes périphéries n’a toujours été que de nature à se servir en servant ses maîtres. Il n’y eût jamais d’Etat qui de son gré cède. Et il n’y a de surprise en tout cela. L’élément qui semble néanmoins devoir primer dans le constat et de là l’analyse, est que certains partis, écartés de leur première nature politicienne des temps ‘anciens’ font aujourd’hui dans l’abus le plus élémentaire et de la loi et de la société. Pour n’avoir retenu que la seule dimension politicienne, ces partis ne se fixent que des projets politiciens. Libres à eux de se laisser mourir sur le moyen et long termes mais ils faussent déjà tout projet ou programme de court terme. Dans l’immédiat, ils enfreignent la loi de convention. L’argent est au coeur de l’abus. Ces partis bourgeois ou en cours d’embourgeoisement – en termes de fonds comme en termes de pensée socio-économique et de projet politique – risquent vraiment de nuire à la révolution et à la politique en général, donc à la cause de base de cette Tunisie qui veut changer. Tel est le fond du propos. Il y va de l’immédiat et de l’avenir de ce pays et surtout de son peuple, le nôtre.
Pour avoir accepté les règles de jeu du provisoire, les forces de changement réel- individus ou formations – ont aujourd’hui le devoir de s’unir pour d’abord faire front à cette irrégularité ‘financière’ tant que cela ne relève plus de la simple préoccupation vaguement électorale mais pratiquement de l’abus social le plus destructif par la pratique même et surtout par ses résultats.
Ceux qui continuent à penser l’affaire secondaire ne perdront pas seulement des voix mais toute leur voie. Ils seront complices d’une mainmise, par mensonge, omission ou complicité de fait, sur la volonté de leur peuple.
L’élite, porteuse de tous paradoxes, aura au moins ce courage de saisir toute la portée juridique, sociale et politique de cet abus et de se rattraper en dénonçant tous les partis et les autonomes ‘vendeurs’ de faux, usurpateurs de fonds! En ne le faisant pas ou qu’à la hauteur de leur petite voix, ils admettent qu’ils ne font eux-mêmes que dans le choix politicien ou tout simplement dans la projection aliénée et naturellement aliénante.Ma crainte est que l’argent des corrompus défasse tout l’or du peuple!