Essai d’analyse d’un slogan d’une révolte ouraganLe processus de la r\u00e9volution tunisienne s’est caract\u00e9ris\u00e9e par trois qualit\u00e9s: un soul\u00e8vement spontan\u00e9, un slogan central et une organisation spontan\u00e9e. Tout le monde a adopt\u00e9 le slogan: \u00a0\u00bb Travail; Libert\u00e9; Dignit\u00e9\u00a0\u00bb. Ce slogan n’est que le concentr\u00e9 des aspirations des r\u00e9volt\u00e9s. Mais, les essais d’analyse et de synth\u00e8se de ce slogan sont rares et\/ou superficiels et\/ou omis. En fait, c’est l’aspect politique qui est le plus m\u00e9diatis\u00e9; les partis politiques, les ind\u00e9pendants et les \u00ab\u00a0personnalit\u00e9s nationales\u00a0\u00bb sont plut\u00f4t occup\u00e9s par la pol\u00e9mique sur le volet constitutionnel et par la campagne \u00e9lectorale que par l’analyse et la conception des itin\u00e9raires \u00e0 suivre afin de r\u00e9aliser les aspirations de la r\u00e9volution. Le plancher de la r\u00e9volution (T- L- D) reste-il dans les objectifs des politiciens-constitutionnels ? Est-ce que les priorit\u00e9s de la r\u00e9volution sont r\u00e9am\u00e9nag\u00e9es ? S’agit-il d’un d\u00e9but de d\u00e9tournement du chemin de la r\u00e9volution ? Les partis politiques (anciens et \u00e9mergeant) ne sont-ils pas un filet tendu pour \u00e9touffer les structures de base (comit\u00e9s de r\u00e9volution des quartiers) ?<\/p>\n

Pour r\u00e9pondre \u00e0 ces questions, il est imp\u00e9ratif de se r\u00e9f\u00e9rer au slogan axial, de l’analyser et de le confronter aux projets pr\u00e9sent\u00e9s par les diff\u00e9rentes parties. Il est aussi important de v\u00e9rifier l’efficacit\u00e9 et la long\u00e9vit\u00e9 des outils organisationnels pour mener \u00e0 bien les objectifs de la r\u00e9volution.<\/p>\n

Il est important de v\u00e9rifier la pertinence, l’interaction, la priorit\u00e9 et les horizons de ce slogan. Comme il est utile de rappeler que ce dernier n’est pas nouveau, c’est un slogan qui date depuis 1956 et \u00e9tait r\u00e9clam\u00e9 par les g\u00e9n\u00e9rations pr\u00e9c\u00e9dentes \u00e0 maintes reprises (\u00e9meutes de 1978;1984) et par diff\u00e9rentes cat\u00e9gories sociales (ouvriers, \u00e9tudiants, \u00e9l\u00e8ves). En d\u00e9pit des quelques am\u00e9liorations (niveau de vie, scolarisation, infrastructures de base, acquis sociaux),la persistance de ce slogan historique est une preuve que le fondement \u00e9conomique, politique et social est rest\u00e9 invariable. Un mode de production qui n’est plus en mesure de r\u00e9pondre aux aspirations vitales des entit\u00e9s sociales les plus d\u00e9munies et des marginaux.<\/p>\n

Le droit au travail: Le droit au travail reste un axe central des r\u00e9clamations populaires. Jadis, la paup\u00e9risation du monde agricole \u00e9tait \u00e0 l’origine d’un intensif exode rural. Mais le contexte \u00e9conomique \u00e9tait plus ou moins favorable \u00e0 la cr\u00e9ation de postes d\u2019emploi additionnels li\u00e9 \u00e0 l’\u00e9mergence du secteur industriel (textile, sid\u00e9rurgie, industrie extractive, industrie agroalimentaire) et de services, d’une part, et l’offre du march\u00e9 des pays p\u00e9troliers et europ\u00e9ens en mati\u00e8re de main d’\u0153uvre non qualifi\u00e9e, d\u2019autre part. Durant deux d\u00e9cennies (60 et 70),le r\u00f4le \u00e9conomique et social de l’\u00e9tat \u00e9tait pr\u00e9pond\u00e9rant voire d\u00e9terminant pour absorber ce flux de la main d’\u0153uvre additionnelle. Mais, depuis l’adoption du programme d’ajustement structurel (PAS),ce r\u00f4le de l’\u00e9tat c’est r\u00e9tr\u00e9ci au profit du secteur priv\u00e9 qui a pris la rel\u00e8ve en mati\u00e8re d\u2019investissement et de cr\u00e9ation d\u2019entreprise.En effet, l’investissement priv\u00e9 a pris progressivement la rel\u00e8ve dans tous les secteurs (agricole, industriel, touristique, \u00e9ducation, sant\u00e9),le budget de l’\u00e9tat s’est vu orient\u00e9 plut\u00f4t vers l’infrastructure de base(routes, barrages, conservation des eaux et du sol, universit\u00e9s)et le fonctionnement des l\u2019appareil de l\u2019\u00e9tat. Ainsi, le r\u00f4le r\u00e9gulateur de l’\u00e9tat en mati\u00e8re de promotion de l’emploi est d\u00e9r\u00e9gl\u00e9. L’investissement priv\u00e9(mobilisation du capital int\u00e9rieur ou les IDE) n’\u00e9tait pas en mesure de satisfaire les besoins des demandeurs d’emploi, surtout que ces derniers sont devenus des demandeurs qualitatifs (dipl\u00f4m\u00e9s du sup\u00e9rieur ou des techniciens performants),par cons\u00e9quent des exigences financi\u00e8res plus importantes (salaires, couvertures sociales).La force du Capital est devenue tellement \u00e9crasante, en parfaite collaboration avec la famille r\u00e9gnante, que l’\u00e9tat s’est content\u00e9e \u00e0 le servir gracieusement [facilit\u00e9 d’installation et de d\u00e9localisation ; subventions ; accompagnement financier, fiscal et social ; zones de libres \u00e9changes ; alignement de la bureaucratie syndicale par multiples moyens (corruption, n\u00e9gociations sociales p\u00e9riodiques \u00e0 fr\u00e9quences lointaines, interdictions de gr\u00e8ves); limogeage de la partie civile…etc.]. En plus, la famille ZABA et collaborateurs sont tellement avares que, certains investisseurs se sont recroquevill\u00e9s ou se sont retir\u00e9s de la sc\u00e8ne \u00e9conomique nationale afin d’\u00e9viter le pi\u00e8ge du rapt. Bref, une politique dite: \u00ab\u00a0laisser faire, laisser passer\u00a0\u00bb, car en parall\u00e8le au d\u00e9sengagement de l’\u00e9tat, le secteur priv\u00e9 n’a que partiellement contribu\u00e9 \u00e0 la promotion de l\u2019emploi (quantitative et qualitative). Le modeste transfert technologique (robotisation et haute technologie) vient compliqu\u00e9 et\/ou justifi\u00e9 la modeste offre interne d’emploi. La fermeture des fronti\u00e8res (pays du golfe, UE des 27) avait compliqu\u00e9 encore les alternatives de l’emploi aux jeunes tunisiens. Les cons\u00e9quences n\u00e9fastes directes et indirectes ne sont pas \u00e0 d\u00e9montrer: pr\u00e9carit\u00e9 des conditions de travail, ch\u00f4mage, exode rural, migration clandestine, endettement familial, corruption, banditisme, protestations individuelles ou de groupes…etc. En parall\u00e8le, nulle personne n’avait le droit de protester contre les choix strat\u00e9giques de l’\u00e9tat, ni de critiquer les d\u00e9rives des commis de l’\u00e9tat et la non transparence de gestion de plusieurs dossiers (offres des grands march\u00e9s, les avantages de privatisation de certaines unit\u00e9s de production…). La publication de fausses statistiques, en mati\u00e8re d’emploi, \u00e9tait l’une des r\u00e8gles de la manipulation m\u00e9diatique et politique. <\/p>\n

La libert\u00e9 & La dignit\u00e9: L’abord de ses deux aspirations humaines est complexe. La sp\u00e9cificit\u00e9 conceptuelle est telle qu’on ne peut jamais d\u00e9finir l’une sans \u00e9voquer l’autre. Pour cette raison, on abordera le volet de la libert\u00e9 sous un angle descriptif plut\u00f4t que philosophique et le volet de la dignit\u00e9 sous une forme interrogative \u00e9voquant la relation visc\u00e9rale entre celle-ci et la libert\u00e9. Il est commun\u00e9ment admis que la lib\u00e9ralisation \u00e9conomique est tributaire d’une large libert\u00e9 d’initiative et d’un climat favorable \u00e0 l’investissement priv\u00e9. Ces deux conditions n’\u00e9taient pas \u00e0 l’ordre du jour d’un r\u00e9gime qui gouverne \u00e0 travers une personne perverse et sanguinaire. Un r\u00e9gime qui carbure gr\u00e2ce \u00e0 un parti de mouchards opportunistes et une instance polici\u00e8re bien \u00e9toff\u00e9e, \u00e9toffant toutes les voix contestataires. D’ailleurs, la libert\u00e9 n’est elle pas le synonyme de \u00ab\u00a0acc\u00e8s \u00e0…\u00a0\u00bb ! Acc\u00e8s \u00e0 l’information, \u00e0 la scolarisation, au travail, \u00e0 l’investissement, \u00e0 la culture, \u00e0 un environnement sain, \u00e0 une sant\u00e9 mentale et physique \u00e9quilibr\u00e9e, \u00e0 l’activit\u00e9 communautaire et politique, aux loisirs…Dans un r\u00e9gime o\u00f9 le secteur priv\u00e9 est quasi dominant, l’acc\u00e8s \u00e0 ces besoins et droits vitaux, essence m\u00eame de l’humanit\u00e9, sont payants donc cet acc\u00e8s est tributaire d’une mobilisation financi\u00e8re, chose qui manque aux victimes du ch\u00f4mage permanent et d\u00e9guis\u00e9. Des victimes caract\u00e9ris\u00e9s par le jeune \u00e2ge, la qualit\u00e9 professionnelle et le haut niveau \u00e9ducationnel. Malheureusement, ce potentiel humain est sous un double sevrage: le travail et la libert\u00e9. En plus, le contexte \u00e9tait aussi \u00e0 haut risque pour l’investisseur, donc des limites \u00e0 la libert\u00e9 d’initiative, \u00e0 cause de la politique de rapt pratiqu\u00e9e par les mafiosi des familles ZABA-TRABELSI. Une telle situation est un g\u00e9ant \u00e9cran opaque, un dense brouillard plac\u00e9 entre les individus et leurs horizons. La partie civile \u00e9tait aussi sous la tutelle d’une loi dissuasive (une \u00ab\u00a0libert\u00e9\u00a0\u00bb conditionn\u00e9e !),sous le contr\u00f4le direct du minist\u00e8re de l’int\u00e9rieur (une \u00ab\u00a0libert\u00e9\u00a0\u00bb contr\u00f4l\u00e9e !) et sous l’effet d’une all\u00e9chante offre financi\u00e8re (une \u00ab\u00a0libert\u00e9\u00a0\u00bb monnay\u00e9e !). Cette triplette a g\u00e9n\u00e9r\u00e9 une diff\u00e9renciation tripartite:Primo, une partie totalement acquise constitu\u00e9e par des \u00ab\u00a0partis cartons\u00a0\u00bb, des syndicats (UTAP, UTICA, UNFT),des associations (Basma, AMT…etc.) et une myriade de journaux, de magasines et les m\u00e9dias audio-visuels. Secondo, une partie complice compos\u00e9e par les partis \u00ab\u00a0l\u00e9gaux\u00a0\u00bb, la centrale syndicale de l’UGTT et leur outil m\u00e9diatique respectif. La relation de cette partie \u00e9tait en dents de scie selon les circonstances. Tertio, une myriade de partis politiques \u00ab\u00a0clandestins\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0ill\u00e9gaux\u00a0\u00bb connus et m\u00e9connus, \u00e0 large ou faible base d\u2019adh\u00e9rents et d’ind\u00e9pendants.Cette partie \u00e9tait sujet d’une oppression sans merci de la part du r\u00e9gime politique. Dans un pareil contexte, le pic de l’adr\u00e9naline \u00e9tait maintenu dans son niveau le plus \u00e9lev\u00e9, on peut ais\u00e9ment le remarquer \u00e0 travers l’agressivit\u00e9 verbale et gestuelle sur l’interface des toiles sociales, sur les plateaux des t\u00e9l\u00e9s, lors des forums et des r\u00e9unions organis\u00e9s.Une hypersensibilit\u00e9 populaire s’est install\u00e9e envers un allerg\u00e8ne qu’est:la partitocratie \u00e0 cause de sa politique consensuelle et d\u00e9magogue.Paradoxalement, la m\u00e9dication d’urgence d’une telle affection n’est autre que l’adr\u00e9naline elle m\u00eame. Ce traitement de choc ne peut \u00eatre r\u00e9alis\u00e9 qu’\u00e0 travers l’implication du citoyen dans la concertation et la conception d’un programme de d\u00e9veloppement convenable. La citoyennet\u00e9 n’est-elle pas la libert\u00e9 de participation de l’individu aux affaires de la soci\u00e9t\u00e9, \u00e0 son administration et \u00e0 sa justice, chacun selon ses comp\u00e9tences ? La citoyennet\u00e9 (attitudes, devoirs et droits) n’est-elle pas le corollaire de la d\u00e9mocratie ? Le droit \u00e0 l’aisance mat\u00e9rielle et le devoir de participer au destin de son quartier, de son entreprise, de sa classe sociale et de son pays ne sont-ils pas li\u00e9s au concept de la dignit\u00e9 ? Ose-t-on parler de dignit\u00e9, en tant que valeur humaine, tant qu’on est priv\u00e9 des deux droits existentiels: le travail et la libert\u00e9? Peut-on vivre dignement tout en \u00e9tant priv\u00e9 de son droit de citoyen? Peut-on aspirer \u00e0 la dignit\u00e9 sous un amas de devoirs sans b\u00e9n\u00e9ficier des droits fondamentaux (droit de culte, droit de r\u00e9flexion, droit d’expression, droit de partage des richesses mat\u00e9rielles et immat\u00e9rielles, droit de participer…) ? <\/p>\n

Le Tunisien a le droit et le devoir de participer \u00e0 la conception de la Tunisie libre. Les jeunes ont amorc\u00e9 la r\u00e9volution vers des objectifs clairs: Travail, libert\u00e9 et dignit\u00e9. La r\u00e9alisation de ces objectifs est surement conditionn\u00e9e par la conception d’un programme qui touche aux aspects \u00e9conomique, environnemental, social, culturel, politique…etc. Un programme qui prend en consid\u00e9ration les r\u00e9elles potentialit\u00e9s des r\u00e9gions (naturelles et humaines) pour qu’il soit en mesure de r\u00e9pondre aux objectifs de la r\u00e9volution. Une telle t\u00e2che qui ne peut \u00eatre que contre les int\u00e9r\u00eats des uns (contre r\u00e9volution); elle est ardue aux yeux de ceux qui h\u00e9bergent les palais d’ivoire (la partitocratie); mais elle est r\u00e9alisable quand on d\u00e9centralise la gestion du cycle de planification. L’implication des populations dans la conception, l’ex\u00e9cution et le suivi des projets locaux et r\u00e9gionaux est une approche qui a montr\u00e9 sa faisabilit\u00e9 et son efficience. Pour cette raison, les structures locales et r\u00e9gionales ont un r\u00f4le moteur dans le processus de d\u00e9veloppement. La r\u00e9volution tunisienne a montr\u00e9 que le peuple est positivement sensible \u00e0 l’autogestion et qu’il est fortement participatif. Pourquoi ne pas d\u00e9velopper cet esprit et ses structures ? Pourquoi, cet ent\u00eatement des structures st\u00e9r\u00e9otyp\u00e9es \u00e0 centraliser le pouvoir de planification, de d\u00e9cision et de gestion ? Pourquoi les partis politiques fassent-ils ce vilain jeu: l\u2019usage de la force du pouvoir financier dans la r\u00e9partition des pouvoirs ? Pourquoi ce triple sevrage et cette myriade de manipulateurs (gouvernement provisoire et partis politiques) ? La r\u00e9volution n\u2019est elle pas d’un caract\u00e8re social, par cons\u00e9quent la pol\u00e9mique id\u00e9ologique est-elle justifi\u00e9e ?<\/p>\n

Enfin, l’objectif global qu’est la dignit\u00e9, peut-elle \u00eatre atteinte tant que le citoyen est priv\u00e9 de travail, de libert\u00e9 d’opinion, d’organisation et de participation \u00e0 la vie communautaire?<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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