Juste apr\u00e8s la rupture du je\u00fbne ,entre la derni\u00e8re cuill\u00e8re de soupe et la premi\u00e8re bouch\u00e9e de brik , tombe \u00e0 pic \u00ab\u00a0Ken ya ma kenich<\/strong>\u00a0\u00bb de Abdelhamid Bouchnek<\/strong>.<\/p>\n

Le titre intrigant flotte entre une parodie de \u00ab\u00a0l’\u00eatre et le n\u00e9ant\u00a0\u00bb et la fameuse interrogation de Hamlet \u00ab\u00a0\u00eatre ou ne pas \u00eatre\u00a0\u00bb tout en \u00e9tant rattach\u00e9 aux recits mythiques et aux contes qui ont berc\u00e9 notre enfance \u00ab\u00a0\u0643\u0627\u0646 \u064a\u0627 \u0645\u0627 \u0643\u0627\u0646\u00a0\u00bb.<\/p>\n

Il \u00e9voque un monde fantastique qui existerait peut-\u00eatre sans vraiment exister et annonce d\u00e9j\u00e0 la couleur de cette s\u00e9rie d’un genre nouveau, h\u00e9t\u00e9rog\u00e8ne, h\u00e9t\u00e9roclite et pratiquement inclassable. Mais qu’elle plaise ou pas, cette s\u00e9rie est vite devenue un v\u00e9ritable ph\u00e9nom\u00e8ne m\u00e9diatique. En effet \u00ab\u00a0Ken ya ma kenich<\/strong>\u00a0\u00bb se d\u00e9marque aussit\u00f4t par un humour noir et d\u00e9cal\u00e9 qui rompt avec les st\u00e9r\u00e9otypes et les formes d’humour familiers au spectateur tunisien pour donner lieu \u00e0 un comique fond\u00e9 principalement sur le rire intelligent qui secoue les m\u00e9ninges et pr\u00eate \u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir.<\/p>\n

En fait, le sc\u00e9nario aussi abracadbrant soit-il, est fonci\u00e8rement ancr\u00e9 dans la r\u00e9alit\u00e9 de la Tunisie<\/strong>. Je dirai m\u00eame plus (\u00e0 la mani\u00e8re de Dupont et Dupont), il est indissociable \u00e0 cette r\u00e9alit\u00e9 avec ses particularit\u00e9s culturelles, ses croyances ses m\u0153urs, ses clich\u00e9s ses repr\u00e9sentations ses paradoxes, ses failles et m\u00eame sa \u00ab\u00a0schizophr\u00e9nie<\/strong> \u00a0\u00bb collective.<\/p>\n

Le royaume de \u00ab\u00a0Satour\u00a0\u00bb n’est-il pas l’all\u00e9gorie de la Tunisie post r\u00e9volution<\/strong><\/a>? Une sorte de miroir qui \u00e9tait aussi honn\u00eate que le miroir magique de blanche neige. Il amis en avant nos failles par le truchement d’allusions facilement reconnaissable et de clin d’\u0153il explicites aux sujets br\u00fblant de l’actualit\u00e9.<\/p>\n

Bouchnek commence par aborder des questions politiques \u00e0 l’instar du processus d\u00e9mocratique pour se pencher sur des sujets socio-\u00e9conomique<\/strong> comme la hausse des prix et le pouvoir d’achat pour arriver \u00e0 des sujets plus ponctuels. On cite \u00e0 titre d’exemple l’enseignement, un nouvel axe introduit par le personnage de Swikrat, ou la corruption: un sujet aux multiples ramifications, trait\u00e9 avec subtilit\u00e9 \u00e0 travers des situations comiques et des personnages qui portent bien leurs noms: \u00ab\u00a0Soumoum ,Khoffech ,Srad ,Chenguel..\u00a0\u00bb Une vraie satire<\/strong> d’une soci\u00e9t\u00e9 constamment dans le deni, qui se retrouve nez \u00e0 nez avec ses d\u00e9mons et son propre reflet sans retouches ni filtres.<\/p>\n

Bref, une auto-d\u00e9rision qui nous arrache un sourire amer…mais fair-play oblige. En outre, d’anachronismes aux multiples r\u00e9f\u00e9rents cin\u00e9matographiques \u00ab\u00a0titanic\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0Gladiateur \u00ab\u00a0, \u00ab\u00a0Seul au monde\u00a0\u00bb…, th\u00e9\u00e2traux \u00ab\u00a0klem lil\u00a0\u00bb, t\u00e9l\u00e9vis\u00e9s \u00ab\u00a0law samahtom\u00a0\u00bb ou romanesques \u00ab\u00a0Aladin\u00a0\u00bb, judicieusement adapt\u00e9s \u00e0 l’intrigue ,se construit un sc\u00e9nario tr\u00e8s codifi\u00e9. Il d\u00e9truit non seulement les barri\u00e8res entre l’auteur et le t\u00e9l\u00e9spectateurs mais aussi entre l’acteur et son propre personnage comme c’est le cas de Salah Barka<\/strong> ou Sabri Mousbeh<\/strong> qui ont oscill\u00e9 entre leur personnage \u00ab\u00a0fictif\u00a0\u00bb et leur vraie identit\u00e9 donnant lieu \u00e0 un comique bizarre et d\u00e9stabilisant.<\/p>\n

Mais comme le rire est culturel et subjectif, cette s\u00e9rie ne fait pas l’unanimit\u00e9. Certains la jugent trop intellectuelle, \u00e9litiste n\u00e9cessitant une parfaite connaissance des diff\u00e9rents r\u00e9f\u00e9rents autour desquels se construit l’intrigue. Alors que le tunisien, \u00e9puis\u00e9 par les soucis du quotidien, aspire \u00e0 un rire l\u00e9ger sans complications, un humour qui lui permet de s’\u00e9vader \u00e0 sa r\u00e9alit\u00e9 au lieu de la reproduire.<\/p>\n

D’autres, estiment que le comique de \u00ab\u00a0Ken ya ma kenich<\/strong>\u00ab\u00a0est plut\u00f4t pesant: il est tellement composite qu’il sonne faux, surfait et vire par moment aux clowneries .Cela alourdit visiblement le contenu et ralentit l’avanc\u00e9e des \u00e9v\u00e9nements.<\/p>\n

De surcro\u00eet ,il s’agit d’un humour qui manque de subtilit\u00e9 et de finesse vu que les allusions sont trop directes et explicites. Malgr\u00e9 ces avis controvers\u00e9s, nul ne peut nier que \u00ab\u00a0Ken ya ma kenich<\/strong> \u00ab\u00a0est une com\u00e9die nouvelle et innovatrice, qui s’est distingu\u00e9e par le chevauchement des sources d’inspiration et par un contenu inhabituel qui surprend, choque et pr\u00eate aussi bien \u00e0 rire qu’\u00e0 r\u00e9fl\u00e9chir.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

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