Révolution comme Respect

Respect, qui d’entre-nous tous n’en a pas entendu parler?! Or, sa coloration métaphysique a toujours prédominé nos esprits. Associer le respect à la révolution est justement ce qui pourrait nous soutirer de cette sensation de ne le concevoir, comme en tous temps anciens, que virtualité; sinon hypocrisie ménagée.L’homme appelle toujours au respect mais, hélas, très souvent dans l’absolu de ce concept et peu d’association est en la matière faite avec la révolution. Or, toute révolution suppose concrètement le respect. Ainsi, celles qui en manqueront ne seront que trop peu révolutionnaires, à ne relever que de l’illusion.

 » IL n’existe pas d’autre voie vers la solidarité humaine que la recherche et le respect de la dignité individuelle »; écrivait Pierre Lecomtendu Du Noüy (L’Homme et sa destinée). Ce n’est surtout pas du non sens. Bien au contraire, l’association du respect et de la dignité; individuelle soit-elle, est bel et bien un lieu de vérité tangible qu’il y a lieu d’élever en ambition concrète. Autant dire que le respect s’associe naturellement mais davantage volontairement à la révolution. En posant en visée cet objectif – la dignité – la révolution tunisienne – et toute révolution en principe- sort déjà de l’hypocrisie des vieux temps des métaphores.

Pour d’autres, respect s’associe à liberté et il est rare de trouver en ce point meilleure citation que celle de Bakounine: ‘ Respecter la liberté de son prochain, c’est le devoir; l’aider, le servir, c’est la vertu’; ce même Bakounine qui écrivait encore et dans le même texte que ‘la liberté de chacun n’est (donc) réalisable que dans l’égalité de tous. La réalisation de la liberté dans l’égalité du droit et du fait est la justice.’ (Le respect révolutionnaire).

Respect, égalité, liberté et justice font encore ces mêmes ‘cris ou voix’ qui résonnent toujours dans les oreilles, têtes et âmes de tous les tunisiens amis de l’Avenue H. Bourguiba et de tout autre chemin, rue ou ruelle de la Tunisie et d’ailleurs.

Le constat des faits ‘post-révolutionnaires’, gouvernementaux ou d’opposition; nous amène sans pourtant le vouloir à cette misère: le manque de respect est si réciproque comme tout autant devis que devise, qu’il y a bien lieu de croire que cette révolution perd de son âme et surtout de son sens tant l’abondance de l’irrespect prend au fil des jours et des nuits le dessus sur l’essentiel: ni droit, ni dignité, ni encore promesses ne semblent être désormais respectés. Alors qu’en sera-t-il de la révolution elle-même si l’on n’est plus en mesure de la respecter déjà en tant que telle. Là où son respect -dans les actes et non tel que la métaphysique du verbe l’emporte – se fait gros de ses manques, la révolution ne sera que d’hypocrisie croissante, car c’est bien à défaut de respect – au sens révolutionnaire du terme – que toute révolution s’érode pour vite tomber dans sa propre corruption.

Et il me plaît encore de voir dans ces mêmes constats de fait cette autre association de Blaise Pascal qui ne trouvait de grandeur en l’Homme, donc à la société, que ce besoin qui consiste en ceci: ‘ ‘ le respect de la personne humaine se fonde sur son caractère irremplaçable’ (Pensées). De là, il n’y de révolution qui n’impose le respect des uns les autres.ET de là encore, par chose et son opposé, il n’y aura de révolution qui réussisse qui ne soit en mesure de se respecter et de se le faire moins par les mots et phrases des uns que par leurs agissements.

Pour Francesco Alberoni, le respect s’associe carrément à la créativité qui est pour lui ‘faite d’attention et de respect pour les petits faits de la vie.’ Or, ce sont – et au-delà des grands scandales des États ou de leurs pseudo-contraires – ces mêmes petits faits de la vie qui, allant croissant dans leur écart du respect de l’égalité, de la justice et de la liberté – donc de la dignité – se multiplient en Tunisie nouvelle. Il y a bien à craindre l’amnésie ‘révolutionnaire’ là où la créativité n’est à priori que révolutionnaire de fond. ET comme ‘le respect est la représentation d’une valeur qui vient battre en brèche l’amour propre’; il devient moins difficile de voir que l’opportunisme nuit terriblement à toute révolution et que la Tunisienne en souffre à mourir de soif ou de faim de faits comme d’idées.

En temps de révolution, c’est toujours le despotisme qui naît de l’irrespect, d’où qu’il vienne. Sa banalisation est donc socialement assassine et politiquement grave quand associée au faux; déjà que Tocqueville, pour ne citer enfin qu’un modéré, disait: ‘ Le despotisme…dangereux de tous les temps, est donc particulièrement à craindre dans les siècles démocratiques’. Qu’il est bien grave de penser ses effets quand on n’est encore qu’à l’an II d’un semblant de démocratie.

Veiller au respect du projet révolutionnaire relèvera vraiment de notre dignité individuelle et, à plus forte raison, collective. Révolutionnons donc le respect pour respecter la révolution; nous-mêmes alors…et les autres; ceux qui le méritent.

Le respect est faisable. Le dire sans le faire ou encore le faire sans le savoir partie intégrante d’une révolution en marche, c’est comme verser deux ou trois verres d’eau dans un puits abandonné. Il est pratique, car socialement utile et politiquement constructif ou il n’est pas.

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