Voila prés de 3 mois que je suis ici, en vacances en totale immersion. Ma Tunisie est de prime abords identique, inchangée, les mêmes palmiers surplombants la mer, les mêmes routes sinueuses et délabrées. Ces même conducteurs imprudents, pieds au plancher, slalomant entre piétons hagards et autres véhicules tout aussi dangereux. L’apparence générale est telle quelle, si ce n’est des constructions non autorisées et incomplètes, qui fleurissent ça et là et qui donnent l’impression d’un pays tout juste sorti d’une guerre. Ce qui peut frapper également c’est le nombre croissant de femme voilées. Elle ont troquer leurs tenues occidentale pour de large vêtement couvrant leurs courbes généreuses et leur chevelure de jais sont désormais couverte par de foulard. Elles sont encore une minorité et ne sont aucunement dérangeante, il s’agit là d’un choix personnelle, d’une conviction qui leur est propre. D’autre part elles ne sont ni agressive, ni médisante envers les autres femmes, les non voilées. Elles cohabitent, se respectent et vivent en parfaite harmonie, puisque au sein d’une même famille les unes sont voilées et d’autres non. Leurs tenues sont bien loin du niqab fantomatique, les vêtements sont colorés, les foulard bariolés, le tout est charmant, agrémenté d’accessoire à la pointe de la mode et d’un maquillage soigné. Des femmes portant le Niqab j’en ai croisée aussi, mais moins d’une dizaine en 3 mois, on ne peut donc décemment pas parler d’invasion.
Les zones touristiques quant à elles ont conserver leur décor idyllique et il le faut bien quand on connaît l’impact du tourisme sur l’économie du pays. Je cherche à comprendre pourquoi les rues sont dans cet état et comme toujours je questionne les chauffeurs de taxi. Ils sont les plus enclins à dialoguer et je n’ai pas beaucoup d’effort à faire pour que les langues se délient. Les commerçants de proximité sont eux aussi toujours disposer à donner leur avis sur l’après révolution. Personne ne me soupçonne d’être sur le point d’écrire un article, je me montre niaise, je ne questionne pas directement. Je lance une phrase qui se veut anodine et ça ne rate jamais ils mordent à l’hameçon. J’apprends très vite qu’une énième grève sévit, celle des éboueurs. Depuis la révolution les Tunisiens semblent avoir découvert les mots « manifestation » et « grève » et autant dire qu’ils ne se privent pas de ces nouveaux passe temps sur fond de patriotisme. Un quart de siècle de silence sous le joug d’un président peu commode et autoritaire, il est temps de rattraper le temps perdu ! Les Tunisiens ne boudent pas leur plaisir et sous n’importe quel prétexte descendent dans les rues pour revendiquer tout et n’importe quoi. Le temps ? Ils en ont en ont à revendre dans une Tunisie où le chômage règne en maître.
Je suis arrivés quelques jours avant le Ramadhan, la classe moyenne Tunisienne est bien trop occupée par l’arrivée imminente de ce mois sacré et laisse de côté son patriotisme. C’est bien connu religion et politique ne font pas bon ménage. A la télé des spots publicitaires incitent les tunisiens à s’inscrire sur les listes électorales, des personnalités publiques insistent sur l’importance des élections. N’est ce pas paradoxale ? Ce même peuple qui au prix de son sang a fait tomber le régime, au nom de la démocratie combattu son bourreau, doit être secoué pour s’inscrire sur les listes électorales. Plus j’apprenais des choses plus je voulais en apprendre et je n’étais pas au bout de mes surprises. Chaque échanges que j’ai pu avoir et qui a fini en discussion politique avait inlassablement le même thème: Ben Ali ! Je ne peut dénombrer le nombre de fois où j’ai entendu des regrets le concernant. Je ne peut m’empêcher de penser « Tout ça pour ça » Une révolution, des larmes et du sang, les yeux du monde rivés sur la Tunisie, pour en arriver à regretter ZABA (Zine el Abidine Ben Ali !) Pourtant force est de reconnaître que leurs arguments ne sont pas complètement insensés, ils me parlent d’un temps que j’ai moi même connu, Un tourisme florissant, un pays vivant et l’insécurité quasi inexistante. C’est indéniable et personne ne peut nier l’évidence, sous l’ancien régime la délinquance était plutôt rare, on ne craignais pas de rentrer aux aurores, ni de dormir à la belle étoile. Les peines encourues par les délinquants étaient d’une telle sévérité que seuls quelques irréductibles prenaient encore le risque d’enfreindre la loi. Ben Ali avait à cœur de conserver une image immaculée de la Tunisie même si pour cela il devait faire régner la terreur au sein du peuple.
Conscient que le tourisme était l’une, si ce n’est la plus grande source de revenue du pays, il ne fallait sous aucun prétexte perdre sa réputation de pays accueillant et paisible. Il y a bel et bien un changement majeur en Tunisie, un changement qui a long terme peut détériorer l’image de notre pays. Il s’agit de l’abolition de la censure médiatique, aujourd’hui, n’importe quel Tunisien affublé d’un mobile et d’une connexion internet peut devenir journaliste. Les réseaux sociaux grouillent de séquence vidéo, révélant aux yeux effrayés des internautes la « violence » qui sévit en Tunisie. On peut y voir des vols, des braquages, des actes d’incivilités urbaines, des chauffards sans scrupule et des tas d’autres images peu réjouissantes. Ce « journalisme sauvage » a engendré la crainte, la méfiance et la sempiternelle phrase que j’ai entendue des centaines de fois « Il faut faire attention la Tunisie n’est plus comme avant » Oui elle n’est plus comme avant, mais la différence est bien plus subtile que l’on ne l’imagine. Avant, sous le règne de ZABA tout cela existait déjà, la violence et les incivilités ne fleurissent pas du jour au lendemain. Les actes barbares et les crimes en tout genre ont toujours existé et cet argument est irréfutable ! Toutefois, la presse, l’audiovisuel et le web subissaient de rigoureuse censure médiatique et afin de préserver l’image idyllique de la Tunisie, les faits divers sordides étaient passé sous silence.
Désormais tout se partage sur la toile, en quelques clics des milliers de personnes sont spectatrice d’un fait divers qui fait froid dans le dos. Les Tunisiens pensent alors que leur pays a changé mais que ce qui a changé c’est leur regard. Aujourd’hui l’information comme la désinformation se répandent comme une traînée de poudre, via les outils de communication, toujours plus innovants et plus performant. Leurs esprits changent, ils prennent connaissance des perversions et des actes innommable dont leur concitoyen se rendent coupable. En découvrant que l’insoupçonnable voisin à des tendances pédophile, leur méfiance est décuplée et la prudence devient paranoïa. Lors de ces longues semaines d’immersion j’ai été parfois déçue, souvent surprise, par certaines attitudes. J’ai été dépitée par le comportement des dragueurs éconduits qui en réponse à l’indifférence se montraient virulent dans leurs propos, parfois moqueurs, souvent irrespectueux. Mais tout cela faisait déjà partie des us et coutumes de la Tunisie, alors que la révolution n’était encore qu’un fantasme.
Aujourd’hui, la Tunisie est bien loin d’être un ghetto ou une terre hostile, le sentiment de sécurité est toujours présent. J’ai sillonnée le grand Tunis ainsi que la banlieue a mainte reprise, je suis rentrée aux aurores et souvent en Taxi. Parfois j’étais seule et je serais bien ingrate et malhonnête si je prétendais avoir subie un quelconque acte de malveillance. La Tunisie telle un enfant qui fait ses premiers pas vers la démocratie est encore chancelante. Elle tâtonne dans un univers qui lui est inconnu, mais elle avance, doucement mais sûrement. Il a fallu des années, voir des décennie pour que la démocratie s’installe ailleurs, laissons à la Tunisie le temps qui lui est nécessaire. Cessons de la suivre de ces regards pathétiques et condescendants qui attendent le prochain faux pas.