La naissance de confessions musulmanes remonte à la guerre civile de 656 à 661 qui opposa le quatrième Calife Ali à ses adversaires. Les musulmans de l’époque se divisèrent en qutre groupes:
Ceux qui soutinrent Ali dans toutes ses guerres et qui s’appelèrent « Chiat Ali » (partisans de Ali) ou Chiites
Ceux qui le soutinrent jusqu’à l’affaire de l’arbitrage de 658 puis s’en détachèrent devenant de farouches ennemis et qu’on appela « Khawarij » (Les Sortants) ou Kharijites
Ceux qui combattirent Ali depuis le début et qui se composèrent de Mu’awiya et les habitants de la Syrie, de la majeure partie de la puissante tribu de Quraych et de nombreux rescapés de la bataille du Chameau de 656
Ceux qui refusèrent de soutenir ou de s’opposer au Calife préférant s’abstenir et qui propagèrent les Hadith mettant en garde contre « La discorde » (la Fitna) mais certains d’entre eux regrettèrent par la suite cette attitude
Après l’assassinat de Ali en 661, son fils Hassan avait signé un accord avec Muawiya en vertu duquel une trêve devait prévaloir entre les deux camps, Muawiya devient le chef de l’Etat et à sa mort le pouvoir reviendrait à Hassan. Cette année fut appelée l’année de la Concorde (‘am al jama’a)
Les Chi’at Ali devinrent les Chi’at ahl albayt ou partisans de la famille du Prophète et seuls les Kharijites continuèrent à s’opposer au pouvoir en place.
Les divergences étaient essentiellement d’ordre politique. Les premiers à leur donner une coloration religieuse étaient les Kharijites qui inaugurèrent une conception dont l’influence est demeurée vivace jusqu’à nos jours à savoir une interprétation littérale des textes religieux, une excommunication de ceux qui ne partageaient pas leur façon de voir et un appel à la révolte contre les pouvoirs successifs considérés comme pouvoirs ne gouvernant pas selon ce que Dieu a révélé puisque le jugement en toute affaire n’appartient qu’à Dieu.
Après l’assassinat de Hussein en 680, les révoltes chiites contre le pouvoir se multiplièrent. L’opposition armée groupait Chiites et Kharijites, mais l’opposition au sens large dépassait ces deux groupes en témoignent la révolte de Médine, celle de Abdullah ibnou Zubeyr, celle d’Ibnou Al Ach’ath…
A cette époque Zayd ibnou Ali mena une révolte sans succès contre le pouvoir et il avait été à l’origine de la naissance d’un nouveau groupe musulman le Zaydisme qui allia Chiisme et doctrine Mutazilite.
Dans le camp légaliste, reconnaissant la légitimité des dynasties successives, les divergences théologiques et juridiques divisèrent Juristes et Théologiens en rationalistes et traditionalistes. Les divergences portaient sur la méthode, les sources et particulièrement sur le Statut des propos transmis oralement dans les sciences religieuses au niveau du dogme, du Culte et de la législation.
Le 9ème siècle connut des débats intenses autour des questions de la foi et des sources du Droit. La primauté revenait au camp rationaliste, les Mutazilites en Théologie et les Hanafites en Droit. Mais à partir de 850, le rapport de forces commençait à changer.
Grâce aux efforts déployés par Chafi’i et Ibnou Hanbal, à la bataille menée par le pouvoir et les traditionalistes contre le Mutazilisme, et après l’émergence de l’Acharisme en 950, il y eut identification entre les « Ahl al Hadith » (partisans de la Transmission) et les « Ahl al Sunna »* ou Sunnites. Les autres groupes devinrent hérétiques (« Ahl al bid’a »).
En 104, le Calife publia un Credo officiel qui devint le Credo orthodoxe du Sunnisme et qui fit de l’obéissance au pouvoir établi un élément du dogme, toute rébellion devenant de fait Hérésie.
L’influence du Mutazilisme commençait à décliner et certains groupes de l’opposition connurent des mutations. Ainsi, après les multiples échecs des révoltes chiites, le 6ème Imam Jafar (mort en 765) appela à ne plus porter les armes et à propager la doctrine chiite par voie pacifique, reconnaissant de manière implicite le pouvoir établi.
Le Chiisme se divisa alors en Imamite (ou Jafarite) qui refuse de porter les armes contre le pouvoir, et Ismaélite qui entreprit une campagne de prédication couronnée de succès. En effet en 909, ils réussirent à fonder l’Etat Fatimide en Tunisie avant de régner sur toute l’Afrique du Nord, l’Egypte, le Hejaz et une partie de la Syrie. Leurs « cousins » Quarmates fondèrent un Etat sur tout l’Est de l’Arabie.
En 1171, Salaheddine mit fin à la dynastie fatimide, restaura le Sunnisme et l’Ismaélisme devint une secte clandestine dont le Credo est adopté par des minorités réparties entre divers pays.
Salaheddine puis les Turcs permirent au Sunnisme de se propager devenant le groupe musulman le plus nombreux.
Les Kharijites qui se révoltèrent plus d’une fois, se divisèrent en une multitude de groupuscules qui disparurent progressivement à l’exception des Ibadites qui adoptaient une doctrine plus modérée, considérant tous les autres musulmans comme monothéistes à l’exception des gens du pouvoir et cessant d’inciter à la rébellion, se limitant à la prédication.
En conclusion, ce qui n’était à l’origine qu’un conflit politique se transforma avec le temps en divergences religieuses. Chaque groupe approfondit les aspects qui le distinguent des autres groupes, incorporant des éléments qui n’existaient pas au départ et se renfermant de plus en plus sur lui-même.
Des heurts violents opposèrent populations Chiites et Sunnites à Bagdad tout au long du 11ème siècle. Des pamphlets incendiaires et régicides furent rédigés par certains Juristes et Théologiens Sunnites.
La tension actuelle ne fait qu’exacerber une déchirure qui remonte à plusieurs siècles. Mais ceux qui veulent transformer cette cicatrice en une blessure mortelle ne font que multiplier le nombre de victimes dans une guerre où il n’y aura ni vainqueur ni vaincu.
La destruction, la mort et le malheur de millions d’innocents dans un conflit absurde et d’un autre âge, voilà le seul résultat acquis.
*Nous reviendrons à la notion de Sunna et de son évolution dans des articles ultérieurs