Qui connaissait Mohamed Hanchi ? Qui savait que c’était un blessé de la révolution, un de ceux à qui nous devons la liberté naissante ? Qui avait entendu parler de son calvaire ? Les élu-e-s de la constituante avaient scandé ce slogan pour « célébrer » et « s’auto-congratuler » lors de l’adoption de la nouvelle constitution. Mais ont-ils été vraiment fidèles au sang des martyrs ? Ont-ils été réellement reconnaissant-e-s envers les blessé-e-s de la révolution ? Ont-ils fait leur devoir ?
Qui connaissait Mohamed Hanchi ? Qui savait que c’était un blessé de la révolution, un de ceux à qui nous devons la liberté naissante ? Qui avait entendu parler de son calvaire ?
Humble parmi les humbles, abandonné à ses souffrances, « suivi » médicalement depuis janvier 2011, il a subi, lui qui avait été blessé par balle au bassin, une opération en 2016 ; au lieu d’améliorer son état, cette intervention l’avait rendu paraplégique, il avait perdu l’usage de ses jambes ;
Il n’avait cessé de fréquenter les hôpitaux où on lui donnait des calmants pour ses douleurs. Personne n’a pensé à regarder de plus près, à lui faire subir des examens, des radios (avant cette opération).
Et on lui découvre bien tard, trop tard un cancer assassin métastasé en stade terminal.
Mais, les médecins responsables de la Commission Médicale chargée des soins aux blessés se défendent : le cancer n’est pas lié à la blessure par balle. Ils n’étaient pas tenus de s’en occuper, ni même de se demander pourquoi sa santé se dégradait.
La médecine n’est pas une science exacte, il n’y a pas d’obligation de résultat. Mais, il y a une obligation de moyens (explorations nécessaires, examens cliniques, …). Ont-ils été utilisés pour le suivi de M. Mohamed Hanchi ? A-t-on exploré la zone avoisinant l’impact de la balle qui l’avait blessé (là où la tumeur s’est proliférée par la suite -métastases osseuses, hépatique, rénales, surrénaliennes, pancréatiques et musculaire) ?
Beaucoup de questions, mais une seule réponse : Mohamed Hanchi est mort hier soir, il est mort d’un cancer métastasé en phase terminale, découvert fortuitement et tardivement.
Mais aussi, il est mort de l’indifférence de toutes celles et tous ceux qui auraient pu, qui auraient dû avoir à cœur qu’il survive, avoir à cœur de le protéger, de manifester leur reconnaissance à ce jeune homme humble, timide, qui ne demandait pas grand-chose et qui avait tant donné.
Il est mort parce que, de condition modeste – a-t-on vu beaucoup de blessés par balle issus des beaux quartiers – et ne sachant se défendre, il a fait confiance au pays, à ses institutions, à ses médecins, à la solidarité de tous, des siens et des autres.
Devant cette mort injuste, cruelle parce qu’elle s’en est prise à quelqu’un sans ressources, sans défense, il faudrait se taire. Il faudrait que se fasse un grand, un très grand silence, un silence de mort. Mais on ne peut pas.
Hanchi était un blessé de la révolution, il était une des fiertés de ce peuple, et il a été traité…comme personne ne devrait jamais l’être. Pas seulement lui, sa mort est l’aboutissement de tout un processus où l’on n’a pas accordé ce qu’on leur devait à ces jeunes victimes du terrorisme de l’État du RCD, de son parrain Ben Ali et toutes les mafias qui prolifèrent encore aujourd’hui en toute impunité. Et pour que cette disparition ne soit pas vaine, qu’on nous permette de rappeler tous les manquements qui ont conduit à une telle situation.
Désormais, la couleur était annoncée, Mr Béji Caid Essebssi avait donné le « La » de la mascarade qui va suivre.
Tout d’abord, qu’on se souvienne des bombes à retardement posées dès les premiers jours après le 14 Janvier, quand on inscrivait délibérément de faux blessé-e-s et de faux martyrs : nous continuons jusqu’à ce jour à en subir les résultats, et après 5 ans, et plusieurs gouvernements, nous n’avons toujours pas de listes définitives et encore moins de mémorial dédié aux victimes.
Ces bombes à retardement ont bel et bien explosé. Les blessé-e-s et les familles des martyrs en ont payé les frais.
Qu’on se souvienne des déclarations de Mr Samir Dilou quand il était chargé du dossier des blessé-e-s et familles des martyrs, qu’on se souvienne de ses insultes à l’égard des victimes.
Qu’on se souvienne de la façon avec laquelle il a géré ce dossier, en absence de transparence, entre le mépris et la sous-traitance auprès d’hommes d’affaires. Nous sommes en droit de douter des intentions de certains d’entre eux suspectés de chercher à faciliter l’acceptation de leurs marchés et/ ou de leurs contacts plus que douteux.
Qu’on se souvienne de la tournée des plateaux de Madame l’ex-secrétaire d’État le 9 Avril 2015 -le jour de la fête des martyrs- pour qui le mépris envers les blessé-e-s et les martyrs, tous les martyrs du pays -exceptés la caste de son frère- n’est plus à démontrer. Qu’on se souvienne de ses insultes, de ses campagnes de lynchage. A l’époque, Madame l’ex-secrétaire d’État était occupée uniquement par le dossier de son frère ; elle a profané la stèle des martyrs du 9 Avril du Kef pour mettre dessus celle de son frère et de ses collègues.
Qu’on se souvienne aussi des menaces qu’elle a proférées à l’égard d’une mère d’un blessé.
Qu’on se souvienne que Madame l’ex-secrétaire d’État se prenait à ses heures perdues pour un médecin, elle se permettait d’intervenir dans les choix thérapeutiques des blessé-e-s et du plan de traitement.
Qu’on se souvienne que Madame l’ex-secrétaire d’État ne se privait pas de divulguer des détails de l’état de santé des blessé-e-s, et de déballer à tout va des éléments intimes de leurs dossiers.
Mais, de son lit d’hôpital, le 8 Février 2016, le chef du gouvernement avait décidé de créer une énième commission et de nommer Madame l’ex-secrétaire d’État responsable. Les motivations de cette nomination ne sont pas claires: alors que Monsieur Essid s’était, selon ses propres termes, débarrassé des éléments qui n’avaient pas eu de résultats satisfaisants de son ministère ? A-t-il voulu donner une seconde chance à Majdouline Cherni dont le bilan est désastreux ? Approuve-t-il sa gestion calamiteuse du dossier ? Ou partage-t-il ses priorités ?
Qu’on se souvienne de ce qu’a dit Madame l’Ex Secrétaire d’État quelques jours avant sa nomination à la tête de la nouvelle commission, où elle n’a pas cherché à dissimuler ses motivations vengeresses et a repris les propos diffamatoires de Mr Dilou, elle qui n’a pas tenu ses anciennes promesses ; établir une liste définitive des blessé-e-s et martyrs avant la fin de Juillet 2015 (promesse faite le 9 Avril 2015)
Qu’on se souvienne qu’elle n’a pas cessé de contribuer à semer le doute avant de nous annoncer-il y a seulement quelques jours- qu’il y a eu des enquêtes des arrestations pour les listes falsifiées.
Qu’on se souvienne que Madame l’ex-secrétaire d’État a profité de sa nouvelle nomination pour régler ses comptes de victime du terrorisme, victime à qui on donne un pouvoir sur d’autres victimes.
Qu’on se souvienne que la prise en charge des blessé-e-s et familles des martyrs n’a pas été institutionnalisée, elle dépendait de la charité des uns, de la bienveillance ou la malveillance des autres, de l’évolution des négociations de contrats de certains, de la fin d’un mandat d’un autre. Ce dernier n’avait pas cherché à officialiser, institutionnaliser. Se croyait-il éternel et irremplaçable pour qu’il ne veille pas à assurer la continuité officielle de la prise en charge des besoins des victimes ?
Qu’on retienne que feu Mohamed Hanchi ne fut pas encore enterré, que Mme l’ex Secrétaire d’État a couru faire une déclaration à la radio pour se dédouaner et ne pas assumer ses responsabilités.
A ces gens-là nous disons : « Vous partez et nous restons. »
L’Histoire retiendra toutes les horreurs dont vous êtes responsables.
Nous exigeons la création d’une cellule de crise chargée d’évaluer le travail qui a été fait par les différents responsables politiques (depuis le 14 Janvier 2011). Cette cellule doit également assurer la prise en charge psychologique des victimes (familles des martyrs et blessé-e-s),cette prise en charge doit se faire en dehors de la commission médicale.
Nous lançons un appel aux médecins assermentés pour qu’ils saisissent le conseil de l’ord »