L’UGTT est l’une des questions les plus épineuses de cette révolution. La pensée marxiste n’est pas inconnue en matière de syndicalisme et de syndicats et la distinction ‘rouge’/’jaune’ n’est pas le dernier né de cette pensée en principe incessamment du côté des ouvriers et des classes défavorisées aux échelles nationale et internationale.Cet article se veut néanmoins pratique, tel que son titre l’indique.
Pourquoi doit-on se poser aujourd’hui la question à mon avis vitale: Faut-il re-penser l’UGTT?
Il est du devoir de toute réflexion serviable, non populiste de souci, populaire de fond et de visée de ne s’épargner aucun effort sur le chemin toujours difficile de l’utilité publique qui, de fait, se doit aussi d’être à chaque instant partisane tout autant de la vérité concrète que des choix et intérêts du peuple; donc non élitiste.
Il fallait bien un ‘sondage’ avancé (et non aussi vulgaire que ces ‘débiles de boites opportunistes à but terriblement lucratif; champignons de mensonge et champions de la servitude et du faux) – pour définir précisément ce que les tunisiens pensent de leur UGTT. Pas même un sondage assez neutre et développé mais probablement des études extensives pour voir un peu plus clair dans cet organisme de taille assez importante et d’histoire souvent incontestée. Mais partons encore du plus simple: l’impression générale est que l’UGTT demeure pour les tunisiens dans leur ensemble objet d’estime. Elle est dans les esprits les moins critiques associée à la lutte sous l’hégémonie française comme après 1956 et 1957. Cette part de l’Histoire est toujours génératrice d’un certain respect à qui l’on ne peut renier du vague. Sous les longues années Bourguiba- étape à laquelle seuls les innombrables excès de la dictature des années ‘Zabatiques’ permettraient quelques relativisations en termes de libertés individuelles et collectives -l’UGTT maniait doublement, à la façon des syndicats de toutes couleurs en temps de couleur unique, l’Etat et les syndiqués.
Seule, encore une fois, des études et enquêtes approfondies pourraient dévoiler de façon systématique le blanc du noir dans les options comme dans les ‘politiques’ de l’UGTT en fonction des rapports à jamais imbriqués et fort complexes entre un syndicat, de force de faits associé à pratiquement le seul espace d’action politico-syndicale, et un Etat foncièrement dominateur, dominant et trop peu enclin à s’inscrire dans quelque forme de transparence. La dictature ne peut être en tout mouvement que récupératrice. l’UGTT n’a pas échappé son histoire durant – et quelles que soient les ardeurs des exceptions- à cette faiblesse des syndicats sous colonialisme ou dictatures.
Il serait donc plutôt incrédible de pouvoir s’attendre à des syndicats réellement représentatifs et de penchants radicaux en temps de ‘disette’ politique. Là encore, l’UGTTparaissait plutôt comme la voix maigre au fond d’un puits asséché.
Avec la dictature mieux articulée et plus assassine du Zaba général (encore pire que le général Zaba),l’UGTT perdait davantage de sa voix mais, paradoxalement plus la dictature pressait plus les actions plutôt difficilement significatives de l’UGTT prenaient de l’ampleur. C’est toujours ce grand paradoxe auquel s’aplique le mieux le relativisme le plus aliénant: Là où l’UGTT servait pratiquement contrainte l’émiettement militant et politiquement anti-dictatorial, absorbant de la sorte – exception faite de Janvier 1978 et des Jeudis noirs, du pain ou de la choukroute- les balbutiements populaires d’allure beaucoup plus ‘unioniste’, elle parvenait rien que le noir même de la dictature à se procurer des spectrs de blancheur civile, très souvent mêlée à un gris d’étoffe politique. Avec Zaba et ‘collaborateurs’, l’UGTT était moins la voix du puits que le droit de l’impuissant.
Tête et corps se devait de n’être de concet que pour préserver, encore contraints et impuissants, la forme; c’est çà dire un bout de cette union portée au nom et au fond bien moins aux actes.
Revoir en détail et sans ‘démagogie’ l’action UGTT sur les six dernières décennies tunisiennes n’est pas qu’un chantier de nature académique. C’est une mission urgente du travail socio-politique. En ce sens, il devient, en l’abssence de ‘vérités’ établies et de discernement systématique des rapports UGTT-Etat, plutôt difficile et parfois aléatoire de préjuger de l’ensemble de l’organisation et du cumul de ses pas au travers des appâts sous Zaba.
Une donne moins que spéculative et encore moins approximative consiste en ce fait nu qu’est la main mise des élites les plus corrompues de profession sur le leadership de l’Ugtt.
Mieux organisée et de tissu social de loin plus étoffé – dans un contexte d’analphabétisme passif- que toute autre force politique, l’UGTT gardait jusqu’aux dernières nuits de Zaba le pouvoir de reproduire la récupération qui faisait le plus gros de son vécu. Elle ne pouvait rater la vague 2011 même si elle ne réussissait qu’à moins du tiers aux années précédentes; si ce n’était encore ce noir foncé qui donnait chaque fois de l’ampleur aux moindres de ses bons pas.
La difficulté avec l’UGTT est que l’autre choix, celui d’un syndicalisme alternatif, ne peut réunir dans un pays d’économie aussi affaiblie et de structure socio-économique peu développée et fort dépendante les chances de succès meilleurs. Et s’il est évident que l’union des employés fait toujours leur force, la désunion les affaiblit. Reste néanmoins le plus gros problème d’une union donnée aux bureaucrates les moins scrupuleux. L’exigence démocratique devrait permettre la diversité à tout niveau mais tel ne peut être que le choix des intéressés eux-même. La charge historique de l’UGTT fait plus sa légimité et que son action d’ensemble sur la longue période de dictatures régnantes. Renier à l’UGTT tout son apport- en somme plus politique en l’absence de partis effectifs que syndical dans une dictature bouchée et boucher – fera tort à la pensée qui se veut juste ou en tout cas moins susceptible de céder ses grands projets. en contre-partie, sacraliser l’UGTT n’est en rien constructif. Au contraire, c’est même de nature à vider l’organisation de toute utilité.
A cela s’ajoute le fait que les temps d’après 14 janvier se prêtent le mieux à dépeindre l’UGTT de ses traits politiques. En théorie comme en pratique, la distinction politique-syndicat n’est que donne pédagogique, car il ne peut y avoir de distinction autre que vaguement fonctionnelle. Un syndicaliste non politisé – tel que cela prime dans le discours syndical officiel- n’est jamais un bon syndicaliste car c’est contre nature. Reste que la division du travail s’étend aussi, du moins sur le plan ouvert au discours syndical ‘jaunissant’ et, à plus forte raison, ‘jaune’.
Cette révolution est, tant mieux pour ce grand peuple, celle des jeunes et non des jaunes.
A défaut de gagner à destructurer par des concurrences inutiles l’UGTTdans un contexte économique national qui porte en lui toutes les marques de la dépendance et de l’injustice générale jusque-là institutionalisée, la Tunisie de demain me araît gagner union et efficacité syndicale à remettre en question son UGTT; ce qui suppose la maintenir forte de présence et d’action mais tel n’est que la mission impossible sans sa réorganisation.
Pour toutes ces raisons, à temps nouveaux un syndicat non point de peau neuve mais de coeur battant. Cela devait supposer un congrès non pas d’urgence mais au bout d’enquêtes collégiales poussées moins pour établir les évidences duquel la loi se chargera mais pour répérer les creux et les lacunes.
Aujourd’hui que la liberté d’expression gratte du terrain, que les forces ouvertement politiques se frayent des chemins dans l’ordre de la durée, il ne sera que révolutionnaire de fond et de fait de sauver l’UGTT non point de l’Etat qui n’aura jamais plus les moyens de lui couper les doigts de la main ou lui écraser les pieds mais de tous ceux qui en font fond de commerce. Cette grande maison doit revenir aux travailleurs (sens générique du travail) et doit être démocratiquement débarrassée des bureaucrates de tout engraissement syndical. Il revient aux acteurs sociaux les moins fébriles d’engagement socio-politique de décider de la manière d’élire leurs représentants mais un congrès qui prendrait le temps de comprendre qu’il est de sa fonction de donner d’abord gouvernance aux ‘bases’ est aujourd’hui une nécessité pratique. Une UGTT démocratique, engagée, sans les gangrènes hyperbureaucratiques et, finalement, réactionnaires et opportunistes, est une force vers l’avant. Il est temps de ne rien reporter sous quelque prétexte de priorité nationale. Le renouvellement des structures syndicales, du mode de fonctionnement de l’UGTT et sa ‘remise à niveau’ en est bien une.
l’UGTT d’hier n’était en résumé que le pendant ‘noircissant’ de l’Etat d’hier. A un peuple qui tient à ce que sa révolution continue la marche, un syndicat qu’il mérite. Bref, une bureaucratie qui s’en va et un corps qui marche. Les syndiqués seront alors plus nombreux et l’UGTT plus en correspondance avec son contexte général et particulier et avec sa mission de prédilection: la défense des intérêts des employés et, au-delà, du pays et, au-delà encore, des droits du travail; à commencer par le droit au travail.