L’exil c’est lorsque ton pays ne te porte plus ou pire refuse de te porter. L’exil c’est aussi ce mal-être ce prurigo permanent qui ne te rend plus de lumière mais un être de noirceur et d’obscurité. L’exil c’est un sentiment omni-pressant qui taille dans la chair qui assassine l’air et qui rend malgré la cohue la terre dépeuplée. L’exil c’est côtoyer les abîmes chaque jour sans possibilité de se découvrir de se mettre à nu de devenir quelqu’un
L’exil c’est lorsque les tenailles arrachent ton cœur tes rêves en non stop et que les efforts sont toujours vains
L’exil c’est lorsque tes larmes ne te lavent plus ton regard ne sature plus ton esprit stérile piétine comme dans un freezing invalidant
Folie est cet état second qui décérèbre la population scotomise les regards et annihile les volontés
Peut-on parler d’amour alors ou de construction lorsque les langues redeviennent de bois les pouvoirs élargis
J’aimerai ouvrir une page blanche pour y dessiner la saga de mon peuple ses turpitudes ses insanités ses mouvances et ses souffrances
J’aimerai épeler ses malheurs peindre l’horreur du passé du présent et du futur que l’on voudrait encore copier et coller
J’aimerai encore parler de ces hommes en courbette aux têtes basses chuchotant dans leurs souliers
J’aimerai encore montrer ces mains qui se tordent en applaudissement ces lèvres en balbutiement
J’aimerai ne plus zapper la télé locale nos journalistes clonés en ridicules perroquets désarticulés
J’aimerai ne pas détourner mon regard de ces femmes qui font profil bas reviennent à la charge pour vendre une nudité
J’aimerai ne plus zozoter en soutenant mon avis ni trembler à la vue du policier
J’aimerai que le droit à la scolarité de ce môme soit le même que celui qui n’a pas à marcher quelques centimètres devant son pâté
J’aimerai que les cris de nos morts trouvent leur écho plus qu’une vulgaire plaque en dernier souvenir
J’aimerai que l’histoire revienne non pas pour les décorer mais pour apprendre aux générations présentes et futures que le combat est dur long mais payant
J’aimerai les montrer un à un reprendre dans un livre ou dans un film leur parcours de vie surement simple sans grand intérêt sauf celui de s’être offert pour que vous et moi restions libres et sans harnais
J’aimerai que pour une fois une volonté d’écrire l’histoire de ce pays sans tâche ni mensonge soit née qu’on mette en place les moments de vérité
J’aimerai ne plus avoir à soumettre les horizons faire de ses enfants des fiers et des insoumis
Est-ce trop demander ?