Nombreuses sont les leçons que les peuples donnent à leurs élites. Les élections tunisiennes apportent aussi – et quoi de plus parlant pour une révolution de ce calibre!- leurs graines de sagesse à des élites en manque de ‘raison politique’.Parmi ces bonnes graines, et sans trop de style, les suivantes:
1. L’argent ‘politique’ peut nuire mais n’explique pas tout (Chebbi et Riahi, Ben Yedder et compagnies).
2. On peut tromper une, deux, mille personners ou plus mais jamais un peuple (Chebbi, dits indépendants et autres caméleons provisoires).
3. la vérité ne se défend pas seule mais il faut bien des voix qui savent la porter (Toute la défaillance de la gauche radicale).
4.Il n’y a pas d’action politique réussie sans alliances (Echec des partis de la gaucche classique)
5. Le radicalisme ne fonctionne politiquement que dans le cas des révolutions armées. Ce n’est pas – et tant mieux – le choix tunisien. il ne peut fonctionner qu’au dépens des siens en matière électorale.
6. L’élection suppose le concensus. Qu’il y ait 116 partis constitue l’illustration du contraire.
7. L’argument ou constat 1 n’implique cependant pas que l’argent ne fait rien. Il n’explique pas tout mais donne des forces. Et plus le taux d’analphabétisme est grand et plus l’argent se transforme en voix. Des éléctions- et c’est toute l’importance d’une élection que la gauche ne comprend toujours pas – c’est des voix à gagner ou à perdre. Plus que les programmes, ce sont souvent les méthodes qui comptent.
8. Les forces de changement réel restent -en théorie – de gauche. Elles sont souvent -en pratique- de droite. C’est désolant de le dire mais c’est pratiquement vrai partout au monde.
9. La politique est, comme toute grande oeuvre, matière d’expérience et de savoir-faire. Elle n’est pas gouvernée par l’intention mais par les capacités réelles d’agir en société.
10. ON ne peut pas être au service d’un peuple dont on ne saisit exactement l’identité. Le politique n’est pas exclusivement l’économique. Cette révolution est à plusieurs niveaux identitaire et la dignité ne peut se concevoir – y compris dans toute son universalité – en dehors d’un contexte bien défini. En oubliant d’agir en fonction, l’élite dite de gauche se contredit moins dans sa tête que dans les faits. elle en paie la facture méritée.
Telles sont les leçons les plus basiques de cette première étape.
Il s’ensuit ce qui suit:
. La nahdha a mérité son succès. Elle a eu l’argent qu’il faut, l’organisation qui s’impose, l’expérience du terrain et surtout le souci de s’adresser au peuple en fonction de ses propres besoins à elle; besoins qu’elle a eu néanmoins la sagesse de savoir que cela passera d’abord par parler au peuple de ses besoins à lui; ce qui, n’empêche, ne veut pas dire qu’elle dit vrai ou juste. Mais elle fait bien de la politique. La pensée démocratique impose naturellement cette reconnaissance: Bravo et félicitations au gagnant: sauf preuve de quelque contravention à la loi électorale.
. Les leaders anciens de la gauche ont fait preuve de défaillance et d’usure de nature idéologique et politique. Il est temps qu’ils passent le relais.
. Le grand perdant de ces élections – Chebbi, compagnie et similaires ou assimilés- témoigne aussi d’un rejet profond de l’argent politique, du Rasseblement destourien dont seule l’odeur suffit aujourd’hui pour écarter la moindre utilité politique et sociale (que dire de la réintégration?) et, enfin et surtout, de l’opportunisme de tout genre. Chebbi et son parti n’ont plus d’avenir politique sous cette forme et tant mieux pour le peuple et pour la démocratie de fait.
Ceci peut nous conduire à d’autres conclusions:
Ces élections n’ayant de visée que la constituante, elles ne peuvent générer plus de déceptions que d’espoir. Nul ne risquera à aller contre la volonté de ce peuple en proposant une coinstitution contraire à ses voeux. La constitution sera de nature démocratique; d’autant plus qu’il faudra une majorité négociée. Marzougui y jouera un rôle et il n’est pas connu pour son opposition à la liberté d’expression. ou aux droits de l’Homme. IL prétend certes le centre qu’il n’est pas mais c’est autre paire de manche. Libéraux de fond et de forme, Ben Jaafar et amis ou alliés serviront la cause de la ‘démocrartie’ classique et ce n’est pas forcément contraire à la nature de la phase tunisienne d’aujourd’hui. Les sièges du dit pôle et les voix démocratisantes iront dans le sens d’un destour à la hauteur des aspirations disons assez élémentaires de l’étape 2 qui s’ouvre. La sociéte civile porte des vents, due l’avant et des promesses de présence.
Capable de calculs politiques et surtout s’inscrivant d’abord dans le provisoire à-venir, la nahdha ne saura constituer ou en tous cas défendre dans la seule phase d’essence préparatoire un project réactionnaire. Elle est sous la contrainte de la conjoncture internationale, de sa nature de parti politique’ et de ses propres méthodes aujourd’hui de fibre forcément concensuelle; par souci de succès électoral aux législatives.
Il viendra bien un risque de confusion de ce faux cavalier ‘de Londres et de Washington mais il faut bien que la nahdha se risque à assumer les déboires d’une alliance avec la Aaridha pour qu’il y ait – et pourquoi pas – une petite victoire d’un jour pour un échec de toujours.
Plus généralement, ceux qui ont cru nécessaire de donner plus de temps au temps et ont jugé les délais des élections trop courts n’ont pas eu tout à fait tort. Ces élections ont certes réussi sur le plan technique mais beaucoup moins sur le plan politique de longue durée. Bien des forces réelles y ont laissé des plumes à défaut aussi de temps et de moyens.
L’écrasement des petits champignons politiques sauve déjà le budget national de subventions inutiles qui n’auraient pu être prélévées que de l’effort et des ressources des citoyens et au service de petits ‘magouilleurs’. Il ne faut pas non plus que les gagnants d’aujourd’hui en demandent et encore moins proportionnellement. Ces résultats ne peuvent être durables au vu des limites temps, de l’empressement général et, somme toute, des élections d’urgence post-révolutionnaire dans un contexte d’alors et d’aujourd’hui qui ne laissait de choix qu’entre deux maux: préserver un Etat ancien ou organiser des élections pressées. Il serait beaucoup plus juste que la question du financement des partis soit inscrite aussi dans la constitution, sous quelque forme légale de vrai gage, et que le parlement post-constituante s’applique à en obliger le gouvernement d’après-constituante de sa mise en excution. Je crois sincèrement que cette question de financement – tout importante et pour le peuple qui paie et pour les partis qui réclament les subventions- ne soit appliquée qu’après les premières élections législatives- Les gagnants serient alors plus au moins les partis inscrits dans la durée tant l’échiquier politique sera mieux en mesure de se stabiliser avec le temps qui s’ajouterait d’ici les législatives. En traiter aujourd’hui pour mise en application expresse, c’est faire injustice aux citoyens, renforcer davantage les seuls gagnants d’aujourd’hui et, donc, bloquer les partis ou mouvements de demain: ceux qui naîtront mieux de cette première expérience électorale et démocratique.
En somme, ces élections réussissent surtout par honorer d’abord ce peuple qui n’a pas manqué son Histoire, par la démocratie concrète qu’elles imposent, par la légitimité qu’elle retirent à tout non-élu pour la donner aux élus du peuple et, enfin ou peut-être surtout, par les leçons politico-sociales qu’elles nous donnent pour des jours meilleurs.
Tout cela nous conduit à ceci:
Nous gardons espoir en une constituante à la taille des aspirations justiiées et légitimes de ce grand peuple.
Nous pensons que la politique – au sens noble et fonctionnel du terme – commence VRAIMENT aujourd’hui.
La droite est libre de ses choix et méthodes. Le parti porteur de demain ne peut être qu’un parti nouveau et de ‘bon ‘ concensus.
Les forces de changement réel de demain et qui doivent commencer immédiatement à travailler sont tout simplement à refaire plus efficaces, moins idéologiques et surtout conséquentes avec elles-mêmes. L’étape de demain n’est ni de nature anarchique, ni de visée de quelque socialisme de science ou de théologie, ni encore de panarabisme de fantaisie. C’est une étape dont les forces motrices seraient celles qui veilleront d’abord à consacrer dans les faits la liberté d’expression, la séparation des pouvoirs, l’autonomie de la justice, la justice sociale et la dignité individuelle et nationale. C’est un plan ou programme de travail et il devra unir de ‘compétences’ politiques. La Tunisie n’en manque pas. A bas la pensée de clan ! Vive le nouveau parti ou mouvement à mettre en oeuvre. Ce n’est qu’à cet effort et à ce prix que la révolution continuera réellement constructive. Et vive encore la Tunisie, pour son peuple libre et pour tous les autres !