La révolution pratique II

Nos amis l’égo-loi ont aussi de ces choses qui vous tiennent à distance.En évoquant le nouveau rôle à définir, en principe ensemble, de l’élite ‘révolutionnaire’, nos amis se sentent malheureusement toujours au-dessus du texte et du contexte. Nombreuses pourtant sont les voix qui crient gentiment au besoin de modestie pratique, de sens de l’utilité publique et du devoir désormais inscrit à l’ordre du jour socio-politique de donner primauté en toute matière aux masses populaires qui ne sont certainement pas les seules à souffrir de toutes les formes de la Réaction locale et internationale mais qui en souffrent néanmoins le plus.

J’écrivais en la révolution pratique qu’il n’est pas question de dévaluer l’idée mais plutôt de ré-évaluer le rôle’normal’ de ce que certains préfèrent appeler l’intelligentsia, toutes façades comprises, de dire en quoi la révolution est pratique, influente sur le cours des choses ou tout chaudement individuelle et au mieux élitiste. Il est en effet question de valoriser l’apport des masses opposantes et mues par leurs intérêts plutôt que ce radicalisme verbal qui n’a jamais pu prouver autre chose que son nombrilisme défaillant.

Nous n’apportons en somme rien de nouveau à redire ce que Marx ou Lenine exprimaient il y a déjà plus d’un siècle et demi pour le premier et plus d’un siècle pour le second: la petite bourgeoise est capable d’idées et beaucoup moins d’action. Et s’il fallait que cette même élite apporte du grain au moulin de la révolution – ce qui doit être son vrai rôle au lieu d’accaparer vainement grains et moulin – encore fallait-il qu’elle soit capable de ne se prendre au sérieux que tant qu’elle se détache de son ‘isolement’ et qu’elle rejoigne l’ordinaire. il me revient chaque fois ce beau vers d’une poétesse qui étalait sur un boulevard parisien, très à terre, son récueil avec, dans l’un de ses poèmes, ceci: ‘L’ordinaire n’a plus la parole/je couds le bleu du ciel.’. C’était ce que la poétesse disait si joliment mais c’est hélas ce que l’élite a toujours fait. Faire perdre sa parole à l’ordinaire. Coudre le bleu du ciel. Bref, se dé-terrer mais au sens de s’éloigner absolument de la terre; ici de la réalité sociale, économique et politique. Peut-être ces mêmes égo-rois ne feront encore que peu de cas de la poétesse ou même de toute la poésie. Errons juste un pas du côté de Marx et, lisons, pour éviter les formules consacrées et connues depuis déjà la commune, ce que le philosophe écrivait déjà dans le Capital que rares d’ailleurs des tenants de cette même élite peuvent être ‘accusés’ d’avoir lu.

Sous le titre ‘travail, salaire et capital’, Marx écrivait: ‘ Nous chercherons à faire un exposé aussi simple et populaire que possible, et sans supposer connues à l’avance les notions même les plus élémentaires de l’économie politique. Nous voulons être compréhensibles pour les ouvriers'(Marx:Travail salarié et capital; Salaire, prix et profit ; Ed. du Progrès, 1979, p11). Rappelons juste qu’il s’agissait d’expliquer non point pourquoi La Aaridha de Mr H. H est une aberration historique dans un processus supposé démocratique et qui se fausse déjà à ses premiers pas de bébé-‘Fokk'(‘arracher’ ou ‘s’en foutre’ en arabe) ou encore pourquoi l’on ne demande toujours pas de ramener Zaba au pays  »’qu’il a servi pour plus de 50 ans » pour y être jugé pour ses ‘services’ mais de notions aussi complexes que la valeur, la plus-value, les rapports salaire-capital et bien d’autres concepts somme toute fondamentaux. Il s’exigeait déjà le besoin de faire dans la clarté. Ce n’est tout de même pas son égo qu’il mettait en relief mais bien les masses populaires et plus particulièrement les ouvriers en y annonçant donc tout l’intérêt qu’il portait à l’intelligibilité du message qui se doit d’être ‘simple et populaire’. Expliquer l’éconmomie politique au peuple- ce qui dans le Capital implique aussi toute sa critique de l’économie politique (classique)- c’était respecter le peuple, lui passer le message et surtout croire en lui, en ses facultés de tout comprendre, d’agir et surtout de choisir son ou ses mode (s) d’action. C’était en 1840 (1850 pour la version finale de la brochure). Bien entendu, il n’y avait pas que Marx qui respectait tant les masses populaires!

Où en sommes-nous avec tous nos ‘leaders’ de ‘36000 concepts par paragraphe’, pire, souvent entre eux, et de tout ce souci qu’ ils cultivent d’être déjà, pour quelques pages éditées ou deux ou trois tribunes, un ‘Roi Lion’. Il me revient encore cette modestie d’un grand écrivain tunisien qui, à la volée d’ue digression amicale, faisait un jour ce constat: ‘ dans le monde arabe, vous écrivez un livre et vous êtes déjà un Sidi Abdelkader!’ C’est vrai qu’il fut un temps ou non seulement l’écrit est sacré mais aussi l’écrivain! Et l’on faussait chaque fois le parcours ‘révolutionnaire’ et le cours de l’Histoire.

Pour revenir à nos ‘moutons’ – et ce n’est pas une agression à l’encontre de tous les leaders- il est temps, je pense, que l’on descende des supposées ‘bulles’ et que l’on comprenne que les révolutions ne se font pas à deux, trois, quatre, cinq ou mille ‘grosses têtes » spécialisé(e)s dans ‘la théorie révolutionnaire’. C’est aussi bête que cela, car il n’y en a pas. il y a juste des grandes valeurs, des grandes lignes, des fils conducteurs assez élastiques pour valoir leur utilité en fonction de la variété des contextes socio-économiques dans lesquels les forces opposées se confrontent et tous les champs de bataille sociale qui s’ouvrent en écoles pratiques. Il est peut-être temps d’admettre que les révolutions ne s’exportent pas, donc ne s’importent pas, que l’élite -y compris révolutionnaire – participe à la révolution radicale mais ne la fait jamais seule; voire qu’elle est la première à la décevoir, et que la justice sociale comme l’égalité commencent d’abord par se renier le statut Abdelkadrien. S’il est vrai aussi qu’il n’y a pas de révolution qui réussisse sans une part de théorie qui, par adaptation à son contexte, tienne le coup mais non sans quelque encadrement averti, il n’est pas forcément faux que ce n’est tout de même pas par le suivi littéral d’un modèle pré-établi que les révolutions évoluent le mieux. C’eût été trop facile, car il aurait suffi d’en importer un et d’attendre que la DOUMA ou quelque autre conseil -y compris de discipline – se fasse, par déterminisme historique.

C’est même cette façon de voir les choses qui fait des récitations et du prêt-à-porter théorique des leaders ‘textuellement vôtre’.

Ces ‘leaders’ ne sont tout simplement pas des leaders tant qu’ils se prennent toujours pour des Sidi Abdelkader. Et s’il fallait vraiment qu’ils tiennent à une ‘légitilmité historique’ des tribunes campusiennes ou autres d’il y a entre 30 et 40 ans, alors il va bien falloir re-discuter cette légimité par les résultats obtenus depuis et avec, pratiquement, les mêmes mots, les mêmes phrase, les mêmes ‘énigmes’ ‘révolutionnaires’.

Je me demande encore s’il ne faut pas dénoncer d’abord cette mentalité, donc les dénoncer avant de dénoncer ceux qui se prennent, eux, pour carrément du ‘kadar'(destin/née),là où dénoncer n’est pas exclure mais juste les mettre face à leurs ‘exploits’.

La chose, je pense, ne va pas sans l’autre.

Vive le peuple et ceux qui, de ses enfants, le rejoignent, dans l’humilité active; ceux, justement, qui ne dénigrent pas les masses populaires tout en parlant en leur nom, c’est à dire en voulant pour eux-mêmes, par eux-mêmes, pour le peuple, donc contre lui.

J’ose enfin publier ce texte, car je sais que si certains se sentent agressés, c’est qu’ils ont mille raisons pour le mériter tant ils ne peuvent être que de nos amis, les ‘égo-roi.’!

Quitter la version mobile