J’arrive un peu tard sur le boulevard neuf avril en haut de la kasba. Ma fille m’accompagne le temps de garer la voiture et nous descendons. Un groupe de jeunes portent un masque sur la bouche et le nez d’autres torses nus se bouchent les narines yeux rouges et se versent du coca sur le visage.De l’acide pour contrer. Je m’approche c quoi ce délire. C ‘est la lacrymo. Les flics nous en bombardent, ma fille filme la scéne filme filme sans s’arrêter nous courrons dans tous les sens.
Nous n’avons pas eu le temps de descendre le trottoir qui nous séparait de la kasba que les flics dans des paniers à salades et des blindés fonçaient sur nous déchaînés.
Je hurle à ma fille de se mettre de côté, une lacrymo l’atteint en pleine joue, non c’était juste la fumée mais cela était suffisamment puissant pour qu’elle tousse à perdre le souffle comme dans un râle d’égorgé. Des gens viennent à notre aide. Ils ignorent que je suis médecin. Ma science ne m’est d’aucune aide, leur solidarité oui.Ce qui est magique dans ces instants, c’est que nous nous ressoudons à une vitesse et un mode que ne peut prévenir aucun système de répression.
Un garçon évente une fille lui verse de l’eau ou du coca, je ne sais plus. Je n’ai pas peur, ma fille non plus. Un quelque chose de particulier de fabuleux s’est opéré en moi depuis le 14 janvier:la peur je ne connais plus!
Ma fille se relève secoue sa belle crinière blonde et me rassure que tout va bien et que nous pouvons encore descendre où les slogans des manifestants ululent et remplissent le ciel couvrant les cris et le son des matraques et les tris de lacrymo.
Je sursaute à chaque tir et nous redescendons cette rue qui nous mène direct à notre Kasba Beaucoup d’étrangers munis de leur appareils photos et caméras filment la scène, ma fille de son portable la filme aussi.
« Naame sa namoutou welékinané sa naktaliou edholma mine ardhiné » « Oui nous allons mourir mais nous allons arracher l’injustice de notre terre »Une seule voix un seul ton une force qui tonne soulève la terre d’abord faiblement puis en plus saccadé et nous répétons le chant sacré comme enivré tellement exlté que nous ne ressentons plus rien ni la fatigue ni la peur ni la tension qui montait en nous déflagrant tout bravant toutUn policier siffle essoufflé la circulation. Un homme s’approche torse nu et lui parle en pleurant pourquoi monsieur le policier vous nous tapez pourquoi ne sommes nous pas frères et qu’on vous a ramené des fleurs pour nous réconcilier pourquoi voila mon torse frappe si tu veux mais ne tape plus jamais ton frère tunisien qui ne t’a rien fait! Sur son corps le lézardage vil d’une fraiche bastonnade des trainées longues rouges luisantes balafrent son torse nu. Le flic s’arrête de siffler se jette dans ses bras et l’enlace et lui crie dans une voix cassée non je ne te frapperai plus jamais!Nous avançons calmement le cœur tamponnant un camion blindé de cagoulés, les tigres noirs nous balancent encore un tas de lacrymo.
Leurs tirs est toujours tendus et jamais en cloche dans cette volonté de blesser ou de tuer. Un homme est blessé au visage, sa face est couverte de sang.Il est comme anesthésié ne sent même pas la douleur et continue à chanter. Une femme perd connaissance, les gens l’allongent et font les premiers soins. Nous descendons encore nous approchons le ministère de la défense.
L’armée ne nous défend plus seul les couleurs de la police règne en maitresse des lieux. Un carnaval de blindés sort de nulle part, des policiers habillés encore en tigre noir sortent leur tête et nous intiment de renter, l’un d’eux siffle mauvaisement que la fête est terminée et que nous devons rentrés, Un jeune homme s’approche et lui dit pourquoi cette sauvagerie le policier hurle un juron Et me regarde dans les yeux prends ta fille et rentre.
Un journaliste juste à côté lui jette humblement: comme je suis fièr qu’elle soit de la partie si chaque maman ramenait sa fille et venait pour le sit-in.
Un autre juron et cette fois la cavalerie lourde nous tombe dessus.
Je n’ai ouie que des court court court et prend la rue, je cours ma fille court devant moi, un homme pousse une porte j’entre avec lui.
Je m’aperçois que ma fille n’est pas avec moi, je panique je prends peur et refonce dans la rue, Je ne fais même pas deux mètres qu’une main sortie de nullepart m’aggrippe et me tire vers un garage la porte se referme une voix chuchote votre fille est ici avec nous, je revois ma blonde qui se jette sur moi en pleurant. Nous étions les deux seules femmes et un million de petits yeux curieux de jeunes qui se demandaient ce que je faisais là dans ce hangar perdu.
Mon sens et mes tics de méfiance ne me quittent jamais et dans un reflexe viscéral qui tient de mon enfance ré afflue, je vérifie l’arrière plan et les portes. Le hangar ouvre sur un café maure et une publinet aménagée. Nous nous attablons hommes et les deux seuls femmes que nous étions.
Un silence religieux que soulèvent nos cœurs qui battent à des rythmes rompus, quelqu’un rompt l’ambiance en chuchotant d’une voix étouffée une bouteille d’eau pour madame bien frappée!
Je souris, comme ce peuple ne cessera de m’étonner, dés que je prends l’ultime décision de le larguer, il me revient en exceptionnel séducteur et conquérant, je me lâche à lui, lui à moi et nous nous confondons pour ne plus faire qu’un.
Des hommes crient dans la rue.
Une rixe mal tarée où le géant s’attaque au désarmé.
Le gazage bat son plein et le son des tirs me fait à chaque fois sursauter.
Des bruits de pas qui fuient.
Une course accélérée, le crissement de pneus de virage et de quelqu’un qui s’est fait chopé.
Pourquoi vous êtes là ?me pose discrètement un jeune.
Je veux être à côté des mes hommes pour décrire la vérité.
Il hoche la tête avec l’air en signe de n’avoir rien saisi.
Son œil brille, nous nous sommes compris.
Des minutes aussi longues que l’éternité.
Une heure semble s’être écoulée puis la porte s’ouvre et nous ressortons dans la rue.Je bifurque sur le boulevard je me retourne je me retrouve seule avec ma fille dans les bras des tigres noirs.
Dix vingt camions blindés, je ne saurai les compter.
Ma voix se veut ferme, ma tête bien chevillée, je racle un fond de voix et je caramélise au tireur de lacrymo car c’était bien lui qui tirait.
Pouvons – nous passer ma fille et moi, nous voulons rentrer ?
Il se tait, change de direction puis nous ordonne de nous presser.
Brusquement, le boulevard ne contenait plus que nous deux et eux mais eux ne compte pas pour moi.
Je cherche des yeux mon frère dont je vois le camion mais rien ne vient.
Un désert en plein centre ville, la nuit soudainement tombée sur un jour tapant.Le monde s’est brutalement dépeuplé!
Je monte dans la voiture, ma fille s’engage dans une ruelle.
Des yeux sortis de la nuit, des hommes cagoulés nous assiègent.
Un guet- apen, mon corps ne me porte plus.
Un tigre noir hurle d’ouvrir le cordon et ma fille roule en trombe vers l’avant.
Ils se terraient pour mieux assiéger les manifestants.
Des uns les traquer d’en bas et eux d’en haut les cueillaient. La police dans ses manières des plus musclées faisait le ménage chez les manifestants pacifiques qui n’ont levé sur eux que leur cœur et des fleurs. Ma fille roule très vite nous prenons la direction du centre ville où je retrouve un jeune homme connu sur cette toile fb que je continue à croire magnifique.il est un des admin de ce sit-in. Je ne le connais pas in life mais nos yeux se cherchent dans ce magasin huppé nos aspirations nous retrouvent sinon je croirai vraiment que ce peuple est perdu. Il m’enbarque encore vers la kasba seulement le boulevard 9 avril est fermé.
J’apprends à ma fille à jongler dans la vieille médine serpentante.
Oh !ce qu’il est beau mon pays du vieux sur du neuf du vieux sur du vieux qu’aucun superflu n’arrivera à ternir.
Nous arrivons à côté de la mosquée que des manifestants ont assiégés pour échapper à la matraque et à l’acharnement des policiers.
Il rencontre un ami pour récupérer des vidéos faites sur nos portables d’occasion.
Je murmure une prière et jette de l’eau derrière lui. Toujours solidaire aux traditions de mes femmes adorées.
Des minutes longues m’étranglent et kidnappent la scène faite des caméraman qui fuient, de journalistes qui fuient, d’hommes de Dieu qui fuient d’enfants de femmes qui hurlent et qui fuient.
La lacrymo empoissonnent nos poumons, bricolent sur nos yeux.
Nous détournons par nos petits moyens la véracité des maltraitances des policiers.
Nous arrivons à rire et même à pliasanter.Un homme oublie dans sa course de ne pas s’arrêter.
Il se tourne vers l’animatrice de télé celle des infos, lui demande de le filmer.
Elle court elle court oubliant jusqu’ à sa mission première. Le petit me revient le visage atterré, la sueur lui colle au corps et au cœur, la peur aussi. Il semble avoir rencontrer le diable Machiavel ou la géhénée.
Je ne pose pas de questions par respect, je laisse venir. Il laisse tomber comme dans une complainte un ululement douloureux: tata c’est l’horreur et ça n’a pas de nom.Ils ont assiégé la mosquée où se sont rétractés des manifestants. Ils ont osé profané ses portes et cassés. Ils ont tapés les femmes voilées et les non voilées, frappées des vieux et des moins vieux des prieurs et des non prieurs ils nous ont gazé à volonté et lorsque l’un de nous sortait, ils le cueillaient comme dans une souricière tata comme dans une souricière juste que là nos tortionnaires sont très violents et des plus musclés !
Je détourne les yeux pour ne pas surprendre les siens qui pleuraient. Je dis calmement: chut mon enfant, ils ne nous auront pas !
L’impossible rapt d’une âme en partance qui s’agrippe au rocher et attend que la mer efface l’outrage. Mais cette fois, l’outrage est profondément creusé dans nos veines dans nos peaux et dans nos âmes.
A chaque fois que nous fermons les yeux que nous nous lâchons et croyons à la fin du cauchemar, nos tortionnaires reviennent plus forts et plus virulents.
Nos démons ne sont autres que nos frères mais pourquoi alors ya-t-il toujours meurtre dans la consanguinité !