Depuis la chute rocambolesque, mystérieuse, énigmatique et surréaliste de Ben Ali, digne des romans d’Agatha Christie, l’État de droit est en panne en Tunisie.Tous les apprentis-sorciers allèguent de leur légitimité, sauf le peuple qui ne revendique aucune légitimité pour lui-même.
C’est leur motus vivendi, leur leitmotiv, surtout chez ceux qui avaient le courage de leur couardise sous le règne de Ben Ali, qui est en droit lui aussi et à juste titre de se prévaloir d’une véritable légitimité en matière sécuritaire, de concorde nationale, de paix sociale et d’un certain bien-être économique. Ironie du destin, ce sont les enfants illégitimes qui se veulent plus légitimes que le peuple lui-même.
A la différence de Ben Ali, ils se considèrent comme les vrais titulaires du mandat démocratique. Un mandat octroyé par le peuple selon eux, mais qui est surtout le fruit de la plus grande arnaque électorale de d’anthologie.
La Tunisie terre de lumière est devenue terre d’obscurité en toute légitimité démocratique, il est somme toute légitime que Hamadi Jébali puisse en revendiquer la paternité pour lui et sa milice ainsi que pour ses godillots du C.P.R. et d’Ettakatol.
Quelle validité juridique et politique doit-on donner à un scrutin des plus frauduleux qui a servi de manœuvre pour doler les tunisiens ?
Aucune, avec une loi électorale bafouée, il ne peut y avoir de reconnaissance de légalité quand on sait que les tunisiens ont voté pour une assemblée constituante et non par pour une assemblée parlementaire et l’instauration ainsi d’un régime parlementaire de jure.
Les électeurs tunisiens ont été victimes d’une véritable supercherie politique. Ils croyaient avoir voté pour désigner les petites mains censées rédiger leur loi fondamentale et ils se retrouvent pris au piège d’un régime parlementaire de facto qu’Ennahdha appelait de tous ses vœux
Le contrat social a été rompu dès la formation de la Troïka, comme si pour la bonne marche de l’assemblée et la formation d’un gouvernement issu des urnes, alors que les tunisiens ignoraient tout de ce scénario, il fallait soit donner tous les pouvoirs au parti majoritaire, ce qui n’est pas le cas d’Ennahdha 89 sièges sur 217, soit laisser les coudées franches au parti vainqueur mais minoritaire la possibilité de s’allier avec d’autres forces élues afin de former un gouvernement coalisé.
On a dérivé d’une architecture de constituante vers une architecture de parlement subrepticement au plus grand dam des tunisiens.
Le scrutin du 23 octobre 2011 qui est un cas d’école en matière de mascarade électorale a servi surtout de blanchiment à des noirs desseins d’un projet autrement plus grave est comment abuser de la manière la plus légaliste de la crédulité u peuple tunisien qui se trouve mis devant le fait accompli devant le régime parlementaire. Les électeurs ont servi de simple faire-valoir pour un projet d’un coup d’Etat institutionnel.
Eux qui avaient voté pur des rédacteurs de l’acte fondamental du nouveau-né tunisien, ils se trouvent floués et valider contre leur gré un projet dont on avait dissimulé les contours et la matière. Se trouvant malgré eux à conférer une légitimité juridique et politique à des imposteurs. Cette assemblée constituante est un déni à la démocratie.
Une hérésie institutionnelle.
En effet, tout se passe comme si le socle constitutionnel existait et que les constituants étaient dotés des mêmes prérogatives et attributions que les parlementaires.
Une assemblée ad hoc en principe avec une mission limitée dans le temps change de cap pour être investie de pouvoir législatif de plein droit comme si elle était un parlement.
Mais un parlement dépourvu de substance constitutionnelle, un château de carte plutôt qui peut être balayé par le moindre courant d’air.
Elle ne repose sur aucun fondement juridique et politique de nature à faire d’elle une digne représentante du pouvoir législatif qu’elle ne l’est pas. Il ne doit y avoir de loi sans constitution, un principe de base en droit constitutionnel que les juristes tunisiens semblent avoir et feignent d’oublier et qui devraient se faire l’écho.
Tous les actes accomplis par cette assemblée, une coquille politique et juridique vide, doivent être frappés de nullité d’une part pour forclusion, et d’autre part pour absence de constitution permettant d’apprécier la conformité. Incapable de rédiger la constitution dans les délais impartis par les électeurs, une trahison de plus, elle devient le point centrifuge de la vie politique kafkaïenne tunisienne.
En toute évidence, il est aberrant et inepte qu’elle soit consultée pour des décisions politiques d’ordre gouvernemental, ni dans le cadre de remaniement ministériel.
Elle n’a pas non plus aucun pouvoir de dissolution, puisqu’elle-même aurait dû être dissoute depuis l’échéance du 23 octobre 2012, et à supposer qu’elle soit encore en activité et du fait de sa mission même, elle n’a aucun pouvoir de révocation du gouvernement et réciproquement.
Tant que les règles de séparation de pouvoirs ne font pas l’objet de lois fondamentales, la Tunisie est le contre-exemple de l’Etat de droit.
Son impasse politique inextricable est la résultante de l’impéritie juridique de son assemblée constituante.