Ce bonheur si indéfini de vivre son temps!

Il me traverse par moments cette sensation somme toute ordinaire qu’écrire et commenter sur facebook ou ailleurs a quelque chose de cette vieille histoire de Pavlov et de son chien.Mais c’est justement à la mesure de cette même sensation que submerge chaque fois la sensation encore plus forte, car rationnelle, d’être dans son temps.

Il serait en effet dramatique que les gens continuent à se consommer solitaires ou idiots quand le monde affiche autant de remous. Le pire serait encore de se sentir trop au dessus ou en dessous de la mêlée. J’avoue que c’est de fait la pire des choses qui puisse arriver à un homme ou une femme: se laisser tel un petit feu mourir dans son coin d’indifférence.

Ceux et celles qui, sans avoir le coeur trop tendre mais surtout l’oeil et l’oreille trop bouchés, se réveillent en quête de nouvelles infos du monde, d’ici et d’ailleurs, savent aujourd’hui mieux que d’autres que l’année 2011 est une année sans égal(e) dans l’histoire moderne.

PLus que jamais, le monde des finances spécule. Et plus que jamais le capitalisme classique récule.

Le lieu d’un article est certes trop serré pour étayer à quel point le capitalisme- sans se défaire de ses mécanismes les plus anciens d’exploitation des Hommes et de l’appauvrissement des masses- s’est coupé le souffle de par ses mutations des denières décennies. Le passage du capitalisme à la phase extrêment financière – celle de la spéculation affichée, de la bourse harcelante et de l’argent ‘encré’ et virtuel – n’est pas sans apporter des maux explicites à une société qui en souffre déjà. La mondialisation est en eaux hautes. Et plus la spéculation ouverte et ‘officialisée’ monte et plus la confiance des peuples en ce système dévastateur descend. Il n’est même plus de l’ordre de la pensée ou, pour le dire ainsi, de ‘la raison pure’ de croire le capitalisme tout simplement mortel tant en paix qu’à plus forte raison en guerre ouverte. Paix est déjà un excès de verbe dans le cas du capitalisme, car il n’en connaît qu’à la mesure de ses intérêts. Cela se voit – et se voyait presque – à l’oeil nu. La misère du monde ne relève plus de l’abstrait.

Avec autant de peuples qui se meuvent, autant de repression qui se trame et autant de misère qui se propage, le système chavire et le bâteau ‘tousse’. Encore une fois, le capitalisme mondial cherchera dans ses caisses après tout débordantes de profits et de cumuls des miettes pour la Grèce, l’Indonésie, le Portugal ou l’Espagne et surtout pour tous ces pays que le peu suffisait. Les Etats cèderont à la tentation d’un secours qu’il savent grave de conséquences mais pas forcément les peuples ‘abîmés’ dans leurs richesses nationales, leurs structures sociales et leur devenir même. L’on sait déjà que la question n’est plus – comme ce fut souvent le cas par le passé assez proche – d’ordre culturel. Mille plans Marshall ne sauveront pas l’Europe et encore moins les pays sous-devéloppés en cours de mutation. A avoir trop joué sur l’aliénation sociale et culturelle, le capital y laissera aujourd’hui plus que des ongles en couleur, il laissera de la peau et beaucoup d’âme; à supposer qu’il en est un jour eu! C’est tout simplement parce qu’il ‘déborde’ de crise(s) et n’a plus rien d’essentiel à donner si ce n’est des armes et de la guerre un peu partout. L’autre raison serait que la culture qu’il a un jour transformée en outil de propagande et en idéologie ‘morte’ a rendu les armes. L’homogénéisation des idées ne peut à toute heure prévaloir sur la glogalisation des besoins réels et immédiats des sociétés à court et de moyens et d’espérance. Il n’y a pas que l’espoir qui bat des ailes dans les sociétés traditionnelles et encore et surtout dans les sociétés industralisées. Les chiffres montrent à quel point la drogue, le suicide, le crime et la folie témoignent dans ces mêmes sociétés du ravage permanent et indéterminé que génère l’inégalité sociale et le déséquilibre mondial. Non, il n’y a pas que l’espoir qui se coud les yeux. Il y a surtout la pauvreté accrue et désormais touchant dans la pire de ses formes à plus du sixième du monde. Les gens ont faim. Il est là déjà un premier argument pour affirmer que la culture ‘capitaliste’ n’y fera rien. Ils ne se sentiront pas sauvés à bouffer des idées anciennes ou de nouvelles promesses. De là, il n’est que dans l’ordre le plus naturel des choses que sonne le glas du système d’appauvrissement prémédité. Les peuples se réveillent -comme en témoignent tous nos jours – avec davantage de conscience de leur quotidien, de leurs soucis de vivre et des limites posées à leur devenir. Ils n’ont presque plus rien à comprendre; à part peut-être que des minorités abusives leur tordent de fil en jour le cou et creusent chaque heure un peu plus leurs ventres. L’image est sans doute quelque peu brutale pour décrire à quel point mourir de faim n’est plus aux yeux du capital – mais aussi de tous les indifférents – qu’un spectacle qui s’offre à la bourse de l’aliénation audio-visuelle marquée et incessante. A qui encore devait-on rappeler qu’un bébé somalien qui n’a même plus la force de fermer complètement les yeux est de force la victime de quelque forme d’inégalité. A qui encore devait-on afficher en lettres la vue d’un sein qui, en vain, pend vide et amaigri à l’adresse d’un enfant qui se perd de faim et de maladie; contagieuse ou non.

Les idiots de toute gamme diront que c’est ainsi que le monde est fait. La révolution tunisienne et toutes celles qui l’ont suivie et la suivront – et elles seront cette année de plus en plus nombreuses et bruyantes – disent déjà que l’Histoire n’est pas exclusivement ce que le capital en fait, même si cela fait presque cinq siècles qu’il la façonne à ses manières ou qu’il l’expose à ses façons. On peut toujours se dire et à raison que le capitalisme économique n’a pas encore vécu mais il est déjà part de la certitude que son système culturel est en faillite. Cela donne tout l’espoir à le faire renaître concret. Et si cette ‘culture ‘acculturante’ est vraiment en route vers sa propre tombe, c’est qu’une autre doit aujourd’hui trouver le chemin de passage. Ceci redonne non pas de l’espoir béat ou du droit ouvert mais bien du devoir à tous ces hommes et femmes qui vivent leur temps: le devoir non point d’ingérence mais de contribution à la conscience de l’Histoire. Avec des dizaines de pays qui crient et manifestent leur ‘assez’, le train se met déjà en marche. La culture ne sera pas sa tête ( tout train equivaut d’ailleurs tête et queue) mais sans doute l’un des passagers les plus utiles des premiers wagons.

Ceux qui perdent aujourd’hui leur indifférence sont, justement, ceux qui feront la différence. C’est assez pléonastique, je l’avoue, mais tant pis pour le chien de Pavlov. Je me ‘dé-conditionne’ et c’est tout au déshonneur de toute âme tordue. J’ajouterai enfin que la ‘théorie’ de la révolution part cette fois du sud au nord et que, changeant de continent de départ, elle témoigne déjà non seulement du fait que le capitalisme ‘intellectuel’ est mort jusqu’à dans ses propres contrées ou dans les formes classiques de l’opposition ‘formelle’ et ‘ reformiste’ qu’il y génère mais aussi du fait que l’histoire appartient désormais aux moins riches; indépendamment de leur éthnie ou de la couleur de leur peau ou religion. Preuve en est cette extension du ‘cri des pauvres’ qui n’exclut pratiquement aucun lieu sur terre et qui n’excluera sans doute que les hommes et femmes au bois de l’universel dormants. On assistera très problablement – sous peu- à la reprise par le capital et par ses alliés de liège des anciennes manières et méthodes de ‘visualiser’ le monde. On assistera certes à davantage de ‘mensonge’ médiatique et politique. On verra les ‘cachettes et les cachets’. Mais c’est toujours de l’avant que l’Histoire avance quand ce sont les peuples qui la font. On verra donc des victoires. Et des plus importantes. Cela dit, de telles ‘bonnes ‘ choses ne se font pas d’elles-mêmes et surtout pas dans la solitude des plus idiots de fond.

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