Aux victimes de notre silence

Il y a des jours qui se lèvent doucement sans accroc ni haine. Juste des regrets et de la peine. Oui, j’ai de la peine pour ces hommes ces femmes qui ne dégagent rien, n’ont rien. Juste une immense modestie.J’ai rencontré beaucoup de gens depuis l’affaire de l’aéroport, le kidnapping de mon fils et sa torture par les forces de l’ordre tous confondus de l’aéroport.

J’ai rencontré des gens venus me souffler leur sympathie et leur soutien sur plein de réseaux sociaux surtout facebook.

J’ai rencontré des personnalités plus ou moins importantes ou plus ou moins promues à le devenir et à tenir les rênes de ce pays depuis la constituante.

J’ai rencontré des gens avec des faces d’hommes plus ou moins sensibles à ma douleur, à celle de mon enfant qu’on a lâchement et sauvagement tabassé devant moi sans aucune raison.

J’ ai rencontré des plus humains qui m’ont pris la main et m’ont élevée à leur rang, celui des malmenés et des indignés.

J’ai rencontré des Hommes qui ne se sont pas souciés si j’étais de droite ou mgawcha ou nahdawya ou poct ou pdp ou je ne sais. Pire encore, j’étais complétement à côté de leur plaque d’adhésion car je n’en avais pas. Souvent j’étais même à ignorer jusqu’à leur signification.

J’ ai rencontré une poignée à qui je me dois de baisser les yeux, de prendre la main et la porter à mon front ou à mes lèvres comme ferait un bon marocain mais je ne suis pas marocaine.

Je suis juste une simple femme tunisienne à qui on a appris à se taire, à cultiver la trouille, à ne jamais parler à voix haute, dire son avis, acclamer une liberté ou se mêler de ce qui ne la regarde pas pour dénoncer une injustice pendant des décennies.

Et lorsqu’à mon tour, j’ai été victime de pratiques semblables à celles qu’ils ont toujours connues pendant des années de préjudice et de torture sous le règne de la dictature, ils ont accouru sans hésiter pour m’aider.

Devant ces personnes, je me sens petite et insignifiante.

Devant ces gens, j’ai honte.

Devant ces ténors d’humanité, j’ai terriblement honte et je m’en vais les citer rien que pour leur demander pardon pour ma lâcheté et mon silence pendant toutes ces années.

Je voudrai me lever devant le monde entier et leur demander pardon, leur offrir mon corps pour le rouer de coups, leur désigner mon peuple pour leur dire autant et si mon peuple se débine encore comme à l’habituée eh bien je me lèverai seule et irai au gibet.

J’aimerai appeler à ma cour:

madame@ Radhia Nasraoui pour tout ce qu’elle a enduré, lui dire que je suis désolée, que je regrette ma lâcheté mon aveuglement et ma stérilité.

J’aimerai lui offrir tous les honneurs pour avoir conduit ce pays à où il en est dans son rêve de liberté.

J’aimerai lui dire les mots bleus même si rien n’efface les bleus de la mémoire parce que mon peuple et moi l’avons abandonnée seule face à ses démons pendant des années.

J’aimerai la prendre dans mes bras pleurer toutes les larmes de mon corps puis rire un bon coup et nous lever pour cette fois marcher derrière elle.

J’aimerai encore appeler à ma cour madame Sihem ben Sedrine pour lui dire les mêmes mots et lui demander pardon.

J’aimerai lui dire que j’ai honte pour moi et pour mon peuple.

J’aimerai lui dire aussi que même si tard mes yeux ont rencontré les siens, son regard a ramassé le mien pour définitivement le rallier à son combat.

Je veux aussi appeler madame Saida Akremi qui est venue promptement à mon aide pour lui demander pardon pour les années de solitude où j’aurai du affronter avec elle main dans la main les sbires de ben ali assises toutes les deux sur son journal parterre en pleine rue, elle à consulter ses dossiers et moi les miens parceque le furher a rendu son bureau inaccessible, sa vie insupportable. Je lui demande pardon pour mes années de lâcheté, ma petitesse et mes regrets.

J’aimerai appeler aussi Om Zied que je viens de découvrir à la levée du bouclier. Son écriture est une lance, son verbe un bombardier.

J’aimerai appeler encore à la barre monsieur Mohamed Abbou que je ne connaissais point, lui dire que ses lèvres cousues ont fait de lui un homme d’exception qui j’espère fera toujours trembler ses démons.

J’aimerai aussi appeler monsieur Samir Ben Amor lui dire combien je regrette et que grâce à son combat avec une poignée notre cauchemar est peut être terminé.

J’aimerai appeler encore et encore une liste que je ne domine pas mais que j’aimerai que mon peuple et notre nouveau gouvernement dressent fidèlement pour au moins reconnaître à ces gens leur mérite, leur diliger une légion d’honneur et une demande officielle d’excuses pour les avoir laisser pendant des années se faire les otages du dictateur pour notre liberté.

Pour ceux dont les noms figurent comme victimes de torture et d’injustice dans ce rapport de la LDHT et d’autres encore méconnus, je réitère mes excuses et leur pardon.

J’aimerai encore me répéter et hurler à ceux qui comme moi se bouchaient les oreilles et chaque orifice perméable parce que nous avions peur et que la peur est un vil compagnon.

« Le monde est dangereux à vivre! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »

Jamais Einstein n’aurait pu si mieux dire et moi, j’ai décidé de ne plus jamais laisser faire !

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