Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’aimerais bien situer les choses dans leur contexte, de sorte à dépeindre cette pratique inégalitaire telle qu’elle se présente aujourd’hui.
En dépit des avancées réalisées et des acquis indéniables en matière d’égalité ente les hommes et les femmes ; la reconnaissance législative en matière d’égalité successorale demeure insuffisante. A cet égard, l’article 103 indique dans son alinéa 3 de la CSP que l’héritier de sexe masculin a une part double de celle attribuée à un héritier de sexe féminin. Ainsi, il entrave à l’heure actuelle la poursuite de la marche en avant vers l’égalité de fait entre les femmes et les hommes.
L’égalité dans l’héritage est ici et maintenant :
Sans prétendre à l’exhaustivité ; je vais vous citer les raisons qui plaident pour la levée des inégalités dans l’héritage en Tunisie :
*La consécration constitutionnelle claire de l’égalité et la non discrimination entre les hommes et les femmes :
La constitution du 27 janvier 2014 a garanti l’égalité et la non discrimination dans son article 21 : « Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination aucune. L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les droits et les libertés individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne.»
Et plus particulièrement, dans son article 46 qui vise la femme ; reconnait et soutient l’exercice effectif de ses droits au même pied d’égalité que l’homme : « L’état s’engage à protéger les droits acquis de la femme, les soutient et œuvre à les améliorer. L’État garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines. L’état œuvre à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les conseils élus. L’état prend les mesures nécessaires afin d’éradiquer la violence contre la femme.»
*L’inégalité dans l’ héritage n’est pas conforme aux standards universels reconnus dans les engagements internationaux dûment ratifiés par la Tunisie notamment :
La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination et violence l’égard des femmes CEDAW : La Tunisie a ratifié la CEDAW en 1985 et levé ses réserves en 2011.
La charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 1982.
Le Pacte international sur les droits civils et politiques PIDCP et le Pacte international sur les droits économiques et sociaux et culturels PIDESC ratifiés par la Tunisie en 1968 : stipulant l’obligation d’assurer l’égalité des droits humains entre les sexes dans l’exercice de tous les droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques.
La déclaration Universelle des Droits de l’Homme 1948 qui garantit l’égalité et la non discrimination et proclame que chacun peut exercer ses droits et ses libertés sans discrimination sans distinction aucune notamment le sexe
La Convention de Copenhague sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard de la femme ratifiée en 1985 par la Tunisie.
*L’inégalité successorale : une forme de discrimination dans la jouissance et l’exercice effectifs des droits économiques à l’égard des femmes :
D’après le Gender Gap 2015, la Tunisie est classée127ème sur 145 pays en ce qui est égalité de genre et 133ème en ce qui est participation économique.
En outre, l’inégalité dans l’héritage est l’un des facteurs d’appauvrissement des femmes selon l’enquête menée par Collectif 95 Maghreb Egalité, AFTURD et ONU FEMMES, en novembre 2014 : Attitudes et comportements économiques.
Ce qui ne répond pas aux défis de lutte contre la pauvreté faisant intégrante des objectifs millénaires de développement de l’OMD adoptés en 1956 par la Tunisie comme un Etat membre de l’ONU.
Les femmes ont dit : L’Egalité est un droit ; pas une faveur !
La marche pour l’égalité dans l’ héritage s’est tenue à Tunis le 10 mars 2018 sous les auspices de la Coalition Nationale pour l’Egalité hommes/femmes dans l’Héritage rassemblant prés de 3000 personnes, hommes et femmes proclamant l’égalité :Pour garantir nos droits il faut changer la loi !
Et pourtant, on ne peut pas être plus royaliste que le roi :
Environ trente femmes se sont réunies mardi 18 mars 2018 sur l’Avenue Habib Bourguiba pour exprimer leur opposition à l’égalité dans l’héritage entre hommes et femmes.
Quand même on les a entendues dire d’une voix basse : Non à l’égalité dans l’héritage ! Non à la falsification divine !
Mêmement, cette manifestation a enregistré une présence masculine pour défendre la même cause.
Conclusion :
A tout dire, la femme tunisienne a joué un rôle charnière dans la consécration de l’égalité et la non discrimination entre les sexes, également elle a apporté sa pierre a l’édifice pour instaurer la démocratie dans le monde arabo-musulman.
De ce fait, la Tunisie a franchi un pas inéluctable sur le chemin de l’égalité totale entre les hommes et les femmes.La femme tunisienne reste à sa position, affirme et réaffirme :
Homme et Femme c’est kif kif !